Le dernier templier
de l’or et d’autres valeurs hors de Terre sainte après la chute d’Acre. Intrigué, le Grec avait accepté de les emmener. L’enthousiasme et la force de conviction de Vance, sa confiance contagieuse en la capacité de l’antique instrument à localiser le Faucon-du-Temple dans ce laps de temps limité, mais aussi, et surtout, il fallait bien le dire, une pointe de cupidité avait fini d’emporter la décision du capitaine. Celui-ci fut plus qu’heureux d’accéder à l’exigence de discrétion totale que lui imposait l’universitaire. Il était habitué aux chasseurs de trésor et à leur désir d’éviter toute publicité. Et puisqu’il avait négocié une part de la valeur du butin pour son compte, il était aussi dans son intérêt de s’assurer qu’aucun tiers ne vienne s’immiscer. Le capitaine avait expliqué à Vance que le navire n’explorerait la zone de recherche que pendant quelques heures à chaque fois, en alternance avec le ratissage de sites leurres. Cette méthode plus longue, mais plus sûre permettrait de détourner l’attention de leur véritable cible, tactique qui convenait fort bien à l’Américain.
Ce que Tess était en train de redécouvrir, c’était que les procédures de quadrillage requéraient beaucoup de patience. La dernière fois qu’elle y avait été confrontée, c’était au large d’Alexandrie, en Égypte, quand Clive Edmondson avait fait sa maladroite tentative de séduction. Seulement, en ce moment, la patience était une marchandise qu’elle n’avait pas en stock. Elle brûlait de savoir quels secrets dormaient sous la douce houle qui ondulait sous ses pieds. Ils étaient très proches. Elle le sentait, ce qui rendait les longues périodes d’inaction, appuyée au bastingage, encore plus dures à supporter.
À mesure que les heures s’écoulaient, elle se perdait dans ses pensées, les yeux inconsciemment rivés sur les deux câbles qui traînaient derrière le vieux navire et disparaissaient sous son sillage écumeux. L’un des deux tirait un sonar basse fréquence à balayage latéral, qui repérait et affichait toute protubérance au fond de l’eau ; le second remorquait un magnétomètre à résonance magnétique, qui détecterait toute trace de fer résiduelle dans le navire naufragé. Au cours des jours précédents, il y avait eu deux moments d’excitation. En chacune de ces occasions, le sonar avait décelé quelque chose et le ROV {30} du navire — affectueusement baptisé Dori, d’après le poisson amnésique du dessin animé Nemo — avait été descendu pour étudier ce qui se trouvait en dessous. Chaque fois, Tess et Vance s’étaient précipités dans la salle de contrôle du Savarona, le coeur battant, et remplis d’espoir. Ils s’étaient assis là, les yeux collés sur les moniteurs, regardant les images neigeuses remontant de la caméra de Dori, l’imagination aiguisée par le surmenage. Mais dans les deux cas, leurs espoirs s’étaient rapidement envolés lorsqu’ils avaient constaté que le sonar n’avait pas trouvé ce qu’ils escomptaient : la première fois, il s’agissait d’un simple affleurement rocheux de la taille d’un navire, et la seconde, des vestiges d’un bateau de pêche du XX e siècle.
Le reste du temps se passait au bastingage, à attendre et à espérer. Pendant que les jours s’égrenaient, l’esprit de Tess repassait les récents événements de sa vie. Elle revivait constamment les moments qui l’avaient conduite ici, à soixante kilomètres au large des côtes de la Turquie, sur un navire de plongée, en compagnie d’un homme qui avait dirigé un hold-up au Metropolitan Muséum au cours duquel des gens avaient été tués. Sa décision d’abandonner Reilly pour suivre Vance l’avait hantée les premiers jours. Elle avait enduré les affres de la culpabilité et du remords, et même des poussées de panique. Souvent, elle avait dû faire appel à toute sa volonté pour réprimer une folle envie de quitter le navire. Puis ses doutes et ses craintes s’étaient dissipés. De temps en temps, quand elle se demandait si elle avait eu raison de se lancer dans cette aventure, elle s’efforçait de rationaliser et de justifier ses décisions en repoussant ses pensées déstabilisantes. Elle était convaincue que ce qu’elle faisait était important. Pas seulement pour elle — même si, comme elle l’avait dit à Reilly, une telle découverte serait déterminante pour sa carrière
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