Le dernier templier
les paupières. Comme ses lèvres, elles étaient gonflées. Tess tenta de déglutir, mais en fut incapable. Elle avait l’impression d’avoir une pelote d’aiguilles plantées dans la gorge. Il fallait qu’elle boive de l’eau douce.
Lentement, sa vision redevint nette. Le ciel était encore sombre et gris, mais elle sentit que le soleil se levait derrière elle. Au bruit du ressac, elle devina que c’était aussi dans son dos que se trouvait la mer. Elle tenta de se redresser, mais son autre bras était immobilisé par une entrave qui l’empêchait de bouger. En tirant dessus, elle fit naître une douleur qui parcourut tout son être. Cherchant à atteindre ce bras de sa main libre, elle constata qu’il était lié par une corde qui avait mordu dans sa chair. En se rallongeant, elle se rappela que c’était elle qui s’était attachée à Reilly et au panneau de bois.
Reilly. Où était-il ?
Elle s’aperçut qu’il n’était pas à côté d’elle sur la planche. De nouveau, une inquiétude la saisit. Elle parvint à s’asseoir et s’attela à libérer son bras. Elle finit par arriver à le glisser sous la corde. Elle se mit à genoux, puis se releva pour examiner l’environnement : une longue bande de sable avec des promontoires rocheux à chaque extrémité. Elle hasarda quelques pas hésitants, scrutant la plage déserte, les yeux mi-clos. Rien. Elle aurait voulu hurler le nom de son ami, mais sa gorge brûlante ne le lui permit pas. Alors elle sentit une nausée et un étourdissement l’envahir. Elle refit quelques pas mal assurés et tomba à genoux, ses dernières ressources épuisées. Elle eut envie de pleurer, mais aucune larme ne vint.
Incapable de résister plus longtemps, elle s’effondra sur le sable, sans connaissance.
Quand elle se réveilla, le cadre était très différent. Avant même d’ouvrir les yeux, elle perçut le calme. Il n’y avait pas le moindre souffle de vent, pas de bruit de vagues. Si elle pouvait entendre le martèlement de la pluie au loin, tout était tranquille autour d’elle. Puis elle sentit la literie. Ce n’était plus une planche de bois, ni un matelas de sable. C’était un vrai lit, bien réel.
Elle déglutit et constata que le feu de sa gorge s’était apaisé. En regardant autour d’elle, elle comprit pourquoi. Au-dessus de sa tête, elle vit une poche de perfusion, suspendue à une petite potence de chrome. Un cathéter était planté dans son bras. Ses yeux balayèrent la pièce, sommairement meublée. À proximité du lit, elle aperçut une simple chaise de bois et une table. Une carafe d’eau et un verre étaient posés sur un napperon de dentelle blanche aux bords légèrement usés. Les murs étaient blanchis à la chaux et nus, en dehors d’un petit crucifix de bois sur le mur.
Elle essaya de s’asseoir, mais sa tête tournait. Lorsqu’elle bougea, son poids fit craquer le lit. Le bruit dut s’entendre à l’extérieur de la pièce. Tess perçut des pas et quelques mots déformés. C’était une voix féminine, pressante. Puis la femme apparut. Tout en regardant Tess d’un air un peu soucieux, elle lui sourit. Assez forte, avec un teint olivâtre et des cheveux bruns bouclés noués sous un foulard blanc de type bandana, elle devait approcher la cinquantaine. Ses yeux pétillaient de bonté et de chaleur.
— Doxa to Théo. POS esthaneste ?
Avant que Tess ait pu répondre, un homme entra. Il avait l’air ravi de la voir. Le nouveau venu portait des lunettes à monture de fer et arborait un hâle cuivré et des cheveux couverts de gel qui brillaient comme de l’émail noir. Il bredouilla quelques mots rapides dans la même langue étrangère que la femme avant de sourire à Tess et de lui demander quelque chose qu’elle ne comprit pas davantage.
— Je suis désolée, marmonna-t-elle d’une voix tremblante.
Elle s’éclaircit la gorge.
— Je ne comprends pas...
L’homme parut désarçonné et échangea un regard interrogateur avec la femme avant de se retourner vers la jeune naufragée.
— Je vous prie de m’excuser. Je pensais que vous étiez... Vous êtes américaine ? s’enquit-il avec un accent prononcé.
Il tendit la main et lui présenta le verre d’eau.
Tess but une gorgée et hocha la tête.
— Oui.
— Que vous est-il arrivé ?
— J’étais sur un bateau. Nous avons été frappés par la tempête et...
Elle se tut. Son esprit commençait à s’éclaircir et des questions se
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