Le dernier templier
bain chaud accomplit des miracles sur ses courbatures. Mavromaras vint changer le pansement de son bras. En les voyant, elle eut l’impression que les meurtrissures violettes laissées par la corde ne disparaîtraient jamais. Puis, en dépit des objections de son hôte, elle passa l’essentiel du reste de la soirée assise au chevet de Reilly. Tess savait que certaines personnes parlaient aux êtres qu’elles aimaient et qui se trouvaient dans le coma. Mais elle éprouva des difficultés. Elle ignorait si cela pouvait l’aider ou non et, au regard de tout ce qui s’était passé, elle n’était pas sûre que la voix qu’il ait envie d’entendre soit la sienne. Elle se sentit coupable de tout ce qu’ils avaient traversé et même s’il y avait beaucoup de choses qu’elle aurait voulu lui dire, elle préférait le faire quand il serait en mesure de répondre. Favorablement ou non. Elle ne voulait pas s’imposer à lui alors qu’il était au mieux un auditeur captif et, au pire, incapable de l’entendre.
Vers minuit, elle succomba à la fatigue, tant physique que nerveuse, et regagna sa chambre. La tête nichée entre deux oreillers, elle plongea sans effort dans le sommeil.
Le lendemain matin, Tess se sentit assez forte pour s’aventurer à l’extérieur de la maison. Le vent continuait de souffler, mais la pluie s’était arrêtée. Elle estima qu’une courte promenade lui ferait le plus grand bien.
Elle enfila ses vêtements et alla voir Reilly. Eleni était là, comme toujours, et lui massait doucement la jambe. Mavromaras apparut bientôt et l’examina. L’état de Reilly était stable, lui dit-il, mais il ne s’était pas amélioré significativement.
Il lui expliqua que dans ce type de situation, l’amélioration n’était pas progressive. Elle survenait d’un coup. Reilly, s’il devait émerger de son coma, se réveillerait simplement, sans signe physiologique annonciateur.
Le médecin devait aller voir un autre de ses patients à l’autre bout de l’île et annonça qu’il serait de retour deux heures plus tard. Tess lui demanda si elle pouvait l’accompagner jusqu’à sa voiture.
— Le service médical aérien de Rhodes m’a appelé ce matin, l’informa-t-il quand ils furent dehors. Il devrait pouvoir envoyer l’hélicoptère demain.
Si Tess était impatiente, quelques heures plus tôt, de conduire Sean dans un hôpital décent, elle doutait à présent.
— J’ai réfléchi à ce que vous avez dit. Est-ce que vous pensez que nous devrions l’envoyer là-bas ?
— Ça dépend de vous. C’est un très bon hôpital et je connais son directeur. Ils vont veiller sur lui. Je peux vous l’assurer.
L’incertitude dut transparaître sur le visage de Tess, car le médecin ajouta :
— Nous n’avons pas à prendre une décision maintenant. Voyons comment il sera demain et nous déciderons à ce moment-là.
Ils traversèrent la rue en contournant deux grandes mares d’eau et arrivèrent près d’une vieille Peugeot rouillée. Mavromaras ouvrit sa portière qui, remarqua Tess, n’était pas fermée à clé.
Elle regarda la rue étroite de haut en bas. Malgré le mauvais temps persistant, la ville était d’une beauté époustouflante. Des rangées de maisons néoclassiques bien ordonnées, peintes de couleurs pastel, enjambaient la colline pentue jusqu’au petit port lové au-dessous. Nombre d’entre elles avaient des frontons triangulaires et des toits de tuiles rouges. Elles présentaient une plaisante uniformité de style. De chaque côté de la rue, l’eau coulait des gouttières débordantes et dévalait les volées de marches raides coupant la colline. Au-dessus de leurs têtes, le ciel déchiré semblait encore prêt pour un nouveau déchaînement.
— C’était une tempête apocalyptique, observa Tess.
Mavromaras regarda les nuages en acquiesçant.
Elle était bien pire que tout ce dont on peut se souvenir ici. Même les plus vieux ne se rappellent pas en avoir vu une semblable. Surtout à cette période de l’année...
Tess songea à la tempête qui avait frappé le Faucon-du-Temple plusieurs siècles auparavant et, presque pour elle-même, murmura :
— La manifestation de la volonté divine.
Surpris par la remarque de la jeune femme, le médecin souleva un sourcil intrigué.
— Peut-être. Mais si vous voulez penser en ces termes, pensez qu’il s’est surtout agi d’un miracle.
— Un miracle ?
— Oui. C’est un miracle
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