Le dernier templier
étrange ? Avec les merveilles inestimables qui l’entouraient, il ne s’est emparé que de cet appareil. Et il n’y a pas que ça : quand il l’a soulevé et tenu devant lui, on aurait dit qu’il exécutait un rituel. Ce type avait l’air totalement absorbé.
— Cela signifie que c’est un collectionneur de mystérieuses machines à chiffrer. Appelle vite Interpol. La machine Enigma {11} est probablement la prochaine sur sa liste.
Il lança à Tess un regard plein de malice :
— Les gens collectionnent vraiment n’importe quoi.
— Je suis sérieuse, protesta-t-elle. Il a même dit quelque chose quand il tenait l’objet : « Veritas vos liberabit. »
Clive la regarda.
— Veritas vos liberabit ?
— Je crois. Je suis quasiment certaine que c’est ce qu’il a dit.
Clive réfléchit quelques instants, avant de sourire.
— C’est parfait. On n’a pas seulement affaire à un collectionneur fanatique de machines à crypter, mais à un gars qui, en plus, est allé à Johns Hopkins. Ça va réduire les recherches.
— Johns Hopkins ?
— Oui.
— Que veux-tu dire ?
Elle avait l’air déroutée.
— C’est la devise de l’université de médecine. Veritas vos liberabit. « La vérité vous rendra libres. » Crois-moi, j’en sais quelque chose. J’y suis allé. On y fait même allusion dans notre hymne, tu sais, cette terrifiante chanson, The Johns Hopkins Ode.
Il commença à chantonner : « Let knowledge grow from more to more, and scholars versed in deepest lore {12} ... »
Clive s’amusait de la mine déconcertée de Tess.
— Tu penses... ?
Puis elle remarqua l’expression de son ami. Elle connaissait ce petit sourire satisfait.
— Tu me taquines, hein ?
Clive acquiesça en affectant un faux air coupable.
— À dire vrai, c’est soit un ancien de Johns Hopkins, soit un ex-agent de la CIA en colère. Veritas vos liberabit, c’est la première chose que tu vois quand tu entres dans leur siège à Langley.
Anticipant la question de la jeune femme, il précisa :
— Tom Clancy. Je suis super fan.
Tess secoua la tête. Sa crédulité la faisait pester intérieurement. Mais une nouvelle réflexion de Clive la surprit.
— En réalité, tu es sûrement dans le vrai. Ça colle.
Tess n’avait pas manqué d’observer que le visage de son excollègue était redevenu sérieux.
— Que portaient les chevaliers ?
— Ils étaient vêtus de costumes médiévaux classiques : cottes de mailles, heaumes...
— Et... ? la pressa-t-il. Rien de plus spécifique ?
Devinant que Clive lui tendait une perche, elle essaya de se remémorer le spectacle des chevaliers qui ravageaient le musée.
— Non... ?
— Des manteaux blancs... des croix rouges... des croix rouge sang.
Comprenant toujours aussi peu où il voulait l’amener, elle hasarda en grimaçant :
— Des croisés ?
La réponse ne satisfaisait pas encore le blessé.
— Tu brûles. Allez, Tess. Leurs croix ne t’évoquent rien de particulier ? Une croix rouge sur l’épaule gauche, une autre sur la poitrine ? Alors ?
Et soudain, cela lui revint.
— Des templiers ?
L’esprit de la jeune femme bouillonnait. Quel était le rapport entre cet ordre médiéval et la phrase prononcée par le quatrième cavalier ?
— Oui, tu as raison, reconnut-elle, ils étaient habillés en templiers. Mais cela ne signifie pas forcément quelque chose. C’est l’allure typique des croisés, non ? Si ça se trouve, ils ont simplement copié la première représentation de croisé qu’ils ont trouvée. Et il y a de grandes chances pour que cette image ait été celle d’un templier.
— Je le pensais aussi. Et au départ, je n’y ai pas accordé d’importance. Les Templiers sont de loin le plus célèbre — voire le plus tristement célèbre — groupe de chevaliers associé aux croisades. Mais il y a ta petite formule latine... et elle change tout.
Tess regarda Clive, désespérant de comprendre de quoi il parlait. Il demeurait silencieux et cela la rendait folle.
— En quoi change-t-elle tout ?
— Veritas vos liberabit , souviens-toi. C’est aussi une devise inscrite sur un château du Languedoc, dans le sud de la France.
Il marqua une pause.
— Un château templier !
12
— Quel château ?
Tess en avait le souffle coupé.
— Celui de Blanchefort, dans le Languedoc. La devise est gravée à la vue de tous, sur le linteau du porche, juste au-dessus de
Weitere Kostenlose Bücher