Le discours d’un roi
par Tom Hooper, l’homme derrière The Damned United, qui aborde un tout autre pan de l’histoire anglaise récente : le séjour aussi bref qu’agité de Brian Clough à la tête de l’équipe de football de Leeds en 1974.
Canning et Hooper tenaient bien sûr à ce que leur film soit aussi exact que possible sur le plan historique, et je m’efforçai donc d’en savoir autant que je le pus sur mon grand-père. Il me semblait évident que c’était par le classeur de mon père que je devais commencer. Examinant les papiers de Lionel sérieusement pour la première fois, j’y trouvai des descriptions particulièrement vivantes et détaillées de ses rencontres avec le roi. Ils contenaient également une correspondance abondante, souvent chaleureuse et amicale, avec George VI en personne, et d’autres documents – dont une petite fiche de consultation couverte de l’écriture en pattes de mouche de mon grand-père, où il décrivait sa première rencontre avec le futur souverain, dans son petit cabinet de Harley Street, le 19 octobre 1926.
Associant tout cela à d’autres fragments d’information que j’avais pu récupérer sur Internet, et aux quelques pages faisant référence à Lionel dans la plupart des biographies de George VI, je pus en apprendre plus sur la relation exceptionnelle qui liait Lionel au roi, mais aussi rectifier certains des souvenirs déformés et des demi-vérités qui s’étaient brouillés au fil des générations.
Il devint cependant rapidement clair que ces archives étaient incomplètes. Il y manquait plusieurs lettres et des comptes rendus quotidiens des années vingt et trente, dont des bribes avaient été citées dans la biographie officielle de George VI écrite par John Wheeler Bennett, et publiée en 1958. De même, il n’y avait nulle trace des albums de coupures de journaux que Lionel avait compilées pendant presque toute sa vie d’adulte, comme me l’avaient dit mes cousins.
Mais le plus décevant était peut-être l’absence d’une lettre, rédigée par le roi en décembre 1944, qui avait enflammé mon imagination. Son existence était mentionnée dans un passage du journal de Lionel où il évoquait une conversation entre les deux hommes après le discours annuel du monarque pour Noël, qu’il avait prononcé pour la première fois sans mon grand-père à ses côtés.
« Mon travail est terminé, Monsieur », lui avait dit Lionel.
« Pas du tout, avait répondu le roi. C’est le travail préliminaire qui compte, et c’est là que vous m’êtes indispensable. » Puis, à en croire le récit de Lionel, « il m’a remercié, et deux jours plus tard, il m’a écrit une très belle lettre qui, je l’espère, sera conservée précieusement par mes descendants ».
Ce que j’aurais fait, si je l’avais eue en ma possession, mais elle était introuvable, dans la masse de correspondance, de coupures de journaux et de notes personnelles. Pour retrouver cette lettre perdue, je remuai ciel et terre, et enquêtai avec acharnement. Au cours de cette investigation, j’en vins à recomposer autant de détails que je le pus de la vie de mon grand-père. Je harcelai les membres de ma famille, revenant les interroger sans relâche. J’écrivis au palais de Buckingham, aux Archives royales du château de Windsor et aux auteurs et éditeurs d’ouvrages sur George VI, dans l’espoir que la lettre se soit trouvée dans des documents qu’ils auraient empruntés à mon père ou à ses deux frères aînés, et qu’ils ne leur auraient pas rendus. Mais elle n’était nulle part.
Vers la fin de 2009, j’ai été invité sur le tournage du Discours d’un roi, à Portland Place, à Londres. Pendant une pause, j’ai rencontré Geoffrey Rush, qui incarne mon grand-père, et Ben Wimsett, qui interprète le rôle de mon père à l’âge de dix ans. Après avoir surmonté l’étrange sensation de me trouver en face de quelqu’un, enfant, que je n’avais jamais connu qu’adulte, j’ai été fasciné par une scène où le personnage de Rush tourne autour de mon père et de son frère aîné, Valentine, joué par Dominic Applewhite, tout en leur faisant réciter du Shakespeare. Cela m’a rappelé un moment semblable de ma vie, quand j’étais petit et que mon père m’avait obligé à faire de même.
Mon père nourrissait une grande passion – et avait un don – pour la poésie et les vers, et répétait souvent des passages entiers d’oeuvres
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