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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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insister fit l’effet d’une mèche sur une poudrière.
    — Comment « publiquement » ! Vous divaguez monsieur ! N’entendez-vous pas ce que je viens de vous dire ? Est-ce à vous, qui avez vogué tant d’années sur la mer agitée du crime, qu’il faut mettre les points sur les i ? Ne sauriez-vous plus consulter la boussole et manier le gouvernail dans une affaire si délicate ?
    — Je comprends, monsieur, que vous souhaitez une séance toutes portes fermées. Mais vu le nombre des suspects, votre salle d’audience au Châtelet est de rigueur. Et il serait souhaitable de ne pas prévenir le lieutenant criminel…
    — Il récidive ! Ne pas inviter M. Testard du Lys, c’est violer les règles d’une procédure qu’il nous a lui-même, euh… lui-même… autorisé à… entourer de libertés extrêmes.
    Soudain, son visage sévère s’éclaircit et il se mit à rire tout en bouleversant une partie des boucles de la perruque qu’il continuait à triturer.
    — Par Dieu, je m’étonnais bien un peu de propos par trop stupides auxquels vous ne m’avez pas accoutumé ! Je vois que nous sommes d’accord, monsieur le sournois. Séance à huis clos dans ma salle d’audience avec le lieutenant criminel qui, j’espère, nous épargnera de trop longs commentaires et se contentera de tenir séance.
    — C’était pour la bonne cause, dit Nicolas en riant.
    — Monsieur le commissaire, je ne vous en veux pas. Les vérités que l’on aime le moins à entendre sont celles qui importent le plus de savoir. Pour en revenir à notre affaire, le temps me manque pour vous écouter et en discuter. Vous m’assurez que demain nous aboutirons et que le démon — ou ce qui en tenait lieu — ne sera pas de la partie. Voyez l’effet dans ma cour, même portes closes !
    — Monsieur, il n’y a que l’ignorance qui assure. Pour ma part, j’espère être en mesure d’aboutir et d’achever.
    — Bien, monsieur le rhéteur. Où vous mènent vos pas ?
    — Dans une grange, et puis à la Basse-Geôle où nous vérifierons qu’il y a bien eu infanticide.
    — Monsieur de Paris va vous prêter la main, je suppose ? Il exécute en ce moment même.
    — Nous l’irons chercher au pied de l’échafaud !
    — À demain donc, cinq heures de relevée 88 . Soyez exact et prenez toutes dispositions nécessaires. Ensuite, si tout se passe comme vous l’espérez, le roi attend un récit circonstancié, de vive voix. D’ailleurs, vous y excellez.
    La bonne humeur de M. de Sartine éclatait à présent au grand jour. Nicolas supposa que le souper de la veille, dans l’intimité royale, y était pour beaucoup. Sans plus se préoccuper de lui, le lieutenant général s’empressait d’ouvrir une boîte oblongue dont il retira avec soin, tout enveloppée de papier de soie, une magnifique perruque aux tons fauves, disposée sur une tête de velours lilas. Tout à sa passion, il la désigna à Nicolas.
    — Une splendeur ! C’est une spécialité de Friedrich Strubb, un maître d’Heidelberg. Quel éclat ! Quelle légèreté ! Toute volupté ! Bonne chasse, Nicolas.
    Le commissaire se retira, satisfait d’avoir obtenu gain de cause sur tous les plans. Il sortit de l’hôtel de police en sifflant l’air d’un opéra du vieux Rameau. Il fit quelques pas, suivi par sa voiture. La journée promettait d’être radieuse et ce quartier riche de Paris, où la verdure abondait, respirait un air de jeunesse et d’insouciance, rehaussé par les couleurs des marchandes de fleurs. Le parfum qu’exhalait leur commerce combattait les senteurs toujours fortes de la ville, dont on percevait dans le lointain la rumeur matinale des quartiers plus animés. Il était trop tôt pour rejoindre la Basse-Geôle. Le plus sage était de prendre au plus court afin de rejoindre les abords de la rue Royale, où se situait le vaste quadrilatère du Couvent des Religieuses de la Conception. Il musarda encore un temps entre les hôtels neufs du quartier, puis remonta dans sa voiture.

    Un grand mur de clôture annonça le couvent recherché. Nicolas en fit le tour ; dans l’enceinte s’inséraient d’anciennes maisons avec des impasses. Au bout d’un étroit chemin de terre bordé de lilas en fleur, apparut enfin une vieille grange à demi effondrée, appuyée sur un bâtiment encore plus antique. Une barrière en bois donnait sur un potager qui s’achevait aux lisières d’un bouquet d’arbres. Ce lieu champêtre,

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