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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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préservé par miracle en pleine ville, était empli du chant des oiseaux. La porte en bois de la grange s’ouvrit en grinçant. Il y avait là des instruments de jardinage, une vieille charrette et les restes d’un tas de foin de la dernière saison. La chaleur du milieu du jour, le silence de l’endroit n’évoquaient aucune image de sang ou de mort. Nicolas s’assit sur un billot de bois et, ayant ramassé une brindille, se mit à dessiner sur le sol des formes géométriques. Son esprit vagabondait. Soudain, les extrémités de la petite branche s’accrochèrent dans le sol jonché de foin à un morceau de tissu maculé qu’il souleva délicatement. Il s’agissait d’évidence d’un mouchoir de fine percale. Nicolas entreprit de le secouer afin de faire choir la terre et les débris végétaux qui le couvraient. Sous ses doigts, il sentit les fines nervures d’une broderie. Le tissu portait deux initiales entrecroisées qui formaient un C et un G. Se pouvait-il que ce mouchoir eût appartenu à la famille Galaine dont plusieurs membres possédaient les mêmes initiales : Claude, mort en Nouvelle-France (auquel cas l’objet pouvait appartenir à sa fille Élodie), Charles Galaine, le maître marchand pelletier et les deux tantes de la victime, Camille et Charlotte…
    Cet indice, retrouvé à l’endroit où des témoignages approximatifs mais dignes de foi avaient placé l’incident d’une Élodie furieuse, entraînée par un personnage qui pouvait être Naganda, devenait par là même une pièce à conviction d’importance. Nicolas la recueillit précieusement avant de se mettre à genoux pour passer le sol au peigne fin et examiner chaque arpent de la grange, mais ne découvrit rien d’autre. Il consulta sa montre. Il était plus que temps de rejoindre le Châtelet pour l’ouverture du nouveau-né, dont il attendait beaucoup. Il retrouva son cocher, endormi sous le chaud soleil de juin. Le cheval s’était écarté de la voie vers le fossé en entraînant la voiture, et décapitait avec appétit un massif de pissenlits en bourgeons.
    À la Basse-Geôle, Nicolas surprit Bourdeau et Semacgus devisant à mi-voix. Il ne fut guère surpris de les entendre disserter d’un petit vin des coteaux de Suresnes dont une guinguette des barrières faisait sa spécialité du côté de Vaugirard. Sur la table des ouvertures, gisaient, sous un petit morceau de toile, les pauvres restes retrouvés dans la cave de la rue Saint-Honoré. Bourdeau annonça que Sanson ne saurait tarder : informé du service qu’on attendait de lui, il avait promis de couper court — le mot fit s’esclaffer Semacgus — aux formalités qui suivaient nécessairement une exécution, et, de les rejoindre sans traîner.
    À peine l’inspecteur achevait-il sa phrase que le bourreau apparut. Nicolas éprouva l’impression, ou l’illusion, de se trouver devant un autre homme. Subissait-il encore l’influence de ce qu’il avait découvert sur son ami ? Peut-être cela tenait-il à la tenue traditionnelle de son état ; Sanson était revêtu de la veste rouge brodée d’une échelle et d’une potence noires, de la culotte bleue, et portait un bicorne incarnat et l’épée au côté. Son visage, d’ordinaire pâle, semblait livide et durci, apparence que renforçaient encore des yeux perdus dans le vague. Prenant conscience de leur présence, il s’ébroua comme s’il sortait d’un cauchemar et les salua tous sur son habituel ton cérémonieux.
    Nicolas, comme à l’accoutumée, esquissa le geste de lui tendre la main, mais un regard à la fois impérieux et pitoyable, dans lequel il lut une forme de supplication, l’incita à s’abstenir. Les assistants virent avec un serrement de cœur Sanson se laver longuement les mains à une fontaine de cuivre. Rasséréné, il se tourna vers eux avec un pauvre sourire.
    — Pardonnez ma réserve, mais c’est une journée particulière…
    Nicolas prit la parole.
    — Nous sommes d’autant plus reconnaissants à votre amitié d’accepter de consacrer vos talents à une œuvre de justice.
    Sanson agita la main comme on chasse une mouche importune. Nicolas regretta aussitôt le mot employé.
    — Oh ! mes talents… Si Dieu avait pu me faire la grâce de ne me consacrer qu’à ceux-ci… Mais voyons plutôt le cas qui vous intéresse.
    — Un enfant nouveau-né ou un fœtus mort-né, retrouvé dans une cave, enveloppé de linges et enterré. Sans doute depuis plusieurs

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