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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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traces de ce fluide dans la terre où le corps reposait et dans laquelle vous l’avez retrouvé.
    — Tout cela est horrible, dit Nicolas.
    Semacgus hocha la tête.
    — Certes, oui. Mais, dans un esprit dérangé, c’est n’être point coupable que de laisser le nouveau-né se vider de son sang. Le criminel a le sentiment de laisser faire la nature et non pas d’effectuer un geste atroce. Pour notre part, nous estimons qu’un infanticide a bien été commis sur un nouveau-né qui avait respiré.
    — Messieurs, je vous remercie encore une fois. Avant de nous quitter, un dernier service. Bourdeau, avez-vous apporté le flacon d’apothicaire, retrouvé chez le fripier ?
    L’inspecteur fouilla la poche de son habit et en tira l’objet.
    — Vous serait-il possible, demanda Nicolas, de me dire ce qu’il a bien pu contenir ?
    Semacgus se saisit du flacon, en ôta le bouchon de verre, le porta à ses narines. Son grand nez se fronça d’attention tandis qu’il le respirait. Il le tendit à Sanson, qui fit de même.
    — C’est évident, murmura le bourreau.
    — Des cristaux subsistent, imperceptibles. Avec un peu d’eau, peut-être…
    Semacgus se dirigea vers la fontaine et fit couler un mince filet d’eau sur un doigt. Quand il n’en demeura plus que quelques gouttes, il les fit descendre le long de la paroi de verre. Il agita le flacon et le referma. Il demanda alors à Bourdeau d’activer le fourneau de sa pipe. Quand le tabac fut rouge, il y plaqua le fond du flacon pendant quelques instants.
    — Cela va activer la décoction et l’amalgame.
    Il rouvrit le flacon, le respira, le passa à Sanson qui hocha la tête affirmativement.
    — Laudanum.
    — Suc du pavot blanc, narcotique et soporatif, fit Semacgus en écho.
    — Les risques ? demanda Nicolas.
    — Divers. Sommeil profond de durée variable selon la quantité absorbée. Un excès peut conduire à la mort. Tout abus répété, à l’abrutissement.
    Semacgus consultait du regard Sanson, qui opinait. Il poursuivit :
    — Tout dépend évidemment de l’âge et de l’état de santé de la personne qui en use.
    — Tout est très clair, mes amis. Vos conclusions et vos dernières précisions éclairent ma lanterne. Je vais devoir vous quitter, la suite de l’enquête m’appelle sur d’autres terrains. Bourdeau, demain à cinq heures de relevée, comparution générale à huis clos dans la salle d’audience de M. de Sartine en présence du lieutenant criminel. Qu’on y transporte Naganda et la Miette. Il serait bon aussi que Marie Chaffoureau, la cuisinière, y comparût.
    — Nicolas, suggéra Semacgus, si nous allions nous restaurer dans une de ces gargotes qu’affectionne notre bon Bourdeau ?
    — Gargotes, peut-être, répondit Bourdeau, piqué, mais, on y dîne proprement et agréablement. Vous en fîtes souvent l’expérience, docteur.
    — Certes ! Ne prenez pas mon propos en mauvaise part. Je vous en sais gré, ayant la reconnaissance du ventre. Alors, Nicolas ?
    — Je vous reconnais bien là, mon cher Semacgus, mais le temps me presse. Il me faut coincer un quidam avant la chute du jour. Après, ce serait le diable pour le retrouver avant l’aube.
    Nicolas tendit la main à Sanson qui, cette fois la lui serra sans réticence. Sur le seuil, il se retourna pour rappeler à Semacgus et à Bourdeau qu’il comptait sur eux le lendemain, lors de la grande séance. Il eut quelques difficultés à retrouver son cocher, parti se restaurer et qui, fatigué, s’était endormi le nez dans son plat. Le gamin de service alla le quérir et le ramena en profitant de l’occasion pour le houspiller. Il se vit aussitôt promettre quelques cinglants coups de fouet comme châtiment de son insolence. La présence silencieuse et sereine de Nicolas ramena le calme. La voiture prit la direction de la rue Saint-Honoré.
    Nicolas voulait vérifier un point auprès de la cuisinière des Galaine. La confirmation de l’infanticide ne le surprenait guère. Quant au flacon qu’il sentait dans sa poche, sa dissimulation et sa mise en gage chez un fripier disaient assez son importance. Il crevait les yeux que cet indice était à mettre en relation avec l’état étrange dont Naganda s’était plaint. Quelle vérité, cependant, pouvait-on retenir des propos d’un témoin dont tout conduisait à penser qu’il mentait, dissimulant des faits et travestissant ses actions sans rendre un compte exact de son emploi du temps. La

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