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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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saisi ce que son propos énigmatique suggérait.
    — Madame, il ne tient qu’à vous, reprit Nicolas. Si vous souhaitez confier quelque chose à M. le lieutenant général de police, plaise à lui de vous faire approcher et de vous entendre.
    Intrigué, M. de Sartine consulta son voisin et fit signe à Nicolas d’approcher.
    — Que signifie, monsieur le commissaire ? Votre mémoire, pourtant si précis, ne laissait pas attendre de telles ambiguïtés.
    Nicolas se rapprocha encore des deux magistrats, dont les têtes se penchèrent vers lui.
    — Cela signifie, messieurs, que l’alibi de cette femme tient à une pratique déshonorante qu’elle ne peut avouer publiquement. C’est pour cette raison que je souhaite que vous l’entendiez en confidence.
    Le lieutenant général invita Mme Galaine à s’approcher et celle-ci, les yeux gonflés de larmes, révéla à voix basse ce que le commissaire avait déjà découvert lors de sa rencontre avec Rétif de la Bretonne. Elle regagna sa place sous les regards intrigués du mari et soupçonneux de ses belles-sœurs. Après un encouragement de M. de Sartine, le commissaire reprit la parole.
    — Messieurs, vous jugerez après la confidence que vous venez de recevoir que Mme Galaine ne saurait être matériellement soupçonnée du meurtre de sa nièce par alliance, même si rien ne l’exonère d’une éventuelle complicité dans la préparation de cet acte criminel. Et puisque nous parlons de Mme Galaine, ne serait-il pas opportun d’examiner le cas de M. Dorsacq, commis de cette boutique de la rue Saint-Honoré ? Il fait ouvertement profession d’être le chevalier servant de la dame en question. Certes, il n’est pas de la famille, mais son emploi l’entraîne à en être le commensal obligé. Voilà un jeune homme qui, d’évidence, bénéficie de la confiance de maître Galaine. Il peut nourrir de grandes espérances. Il est intime avec sa patronne, il l’accompagne, l’escorte, sort au spectacle et communie avec elle dans la chronique de la Cour de la ville, et cela avec l’assentiment tacite du mari qu’il décharge ainsi d’un rôle qui lui pèse. Nourrit-il quelques sentiments indiscrets à l’égard de la maîtresse de maison ? Je ne le crois pas. J’estime au contraire que leurs attitudes se complètent naturellement et qu’elles participent de dissimulations. Ainsi, feint-il de faire la cour à sa patronne…
    — Monsieur, s’indigna Charles Galaine, vous m’outragez. Comment pouvez-vous supposer…
    — J’ai dit : il paraît , répliqua Nicolas. Entre l’apparence et le fait matériel, il y a une différence que vous franchissez bien aisément — ce que moi, je ne fais pas. Il paraît, disais-je, faire la cour à sa patronne, comme pour mieux dissimuler autre chose de moins publiable. Je le suppose, à ses mauvais rôles, engagé dans diverses aventures. Est-il amoureux d’Élodie, la jeune fille de la maison ? Est-il conscient de l’intérêt à pousser sa cause de ce côté là ? Cela lui permettrait de s’introduire dans la famille, d’y faire sa place. A-t-il eu vent des espérances d’Élodie ? Tout est possible et le soupçon pèse également sur lui. En réponse à nos interrogations, il persiste à camper sur une attitude affectée de souci de l’honneur d’une dame. Cela tient-il, lorsqu’on se trouve sous la menace d’une inculpation pour un crime capital dont la seule issue sera un supplice en place de Grève ? Et pourtant, on ne veut pas révéler l’emploi de son temps dans cette même nuit. Permettez-moi, messieurs, de me livrer devant vous à une petite confrontation qui ouvrira, je l’espère, de nouvelles perspectives à notre affaire.
    Nicolas appela Bourdeau et lui donna ses instructions. L’inspecteur se dirigea vers un exempt, le plus jeune. Il lui fit ôter sa perruque et sa veste et le plaça sur le parquet, face aux deux magistrats puis, il invita Jean Galaine et Louis Dorsacq à se tenir de part et d’autre.
    — Messieurs, reprit Nicolas, plaise à vous d’autoriser la comparution d’un témoin.
    La porte de la salle d’audience s’ouvrit et le père Marie, tout pénétré de son importance, introduisit un petit homme chétif, à moitié chauve. Il portait des besicles à monture d’acier derrière lesquelles des yeux apeurés contemplaient la solennité de l’assemblée. Un habit râpé de ratine noire, des souliers trop grands, éculés et sans boucles offraient un

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