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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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étranglée et qu’elle venait de surcroît d’enfanter. Immédiatement, sur ordre du lieutenant général de police, une enquête commença à son domicile rue Saint-Honoré, où son oncle possède une boutique de marchand pelletier. Dès l’abord, il apparut qu’aucun des habitants de la maison, parents ou proches, ne pouvait justifier de son emploi du temps à l’heure approximativement fixée de l’assassinat. De ce fait, chacun d’eux avait été en mesure d’attenter à la vie d’Élodie Galaine.
    Une nouvelle fois, Charles Galaine se leva.
    — Je réitère ma protestation. De la déclaration même du commissaire Le Floch, il appert qu’il se trouve dans l’incapacité de fixer de manière précise l’heure du meurtre supposé de ma regrettée nièce. Dans ces conditions, comment cette séance, hors du droit commun, pourrait-elle conduire à la vérité et préserver les droits de ma famille ?
    — Monsieur, fit Sartine, vous aurez toutes occasions d’intervenir, d’interroger et d’être interrogé, de prouver et de contre-prouver, d’attaquer et de contre-attaquer. Pour le moment, je vous ordonne de laisser le commissaire Le Floch exposer devant cette cour les éléments constitutifs d’un dossier délicat et d’une enquête difficile.
    Nicolas poursuivit en détaillant par le menu les résultats de ses investigations. Sans se prononcer sur les constatations énoncées, il les énumérait sur un ton régulier, comme un triste inventaire des turpitudes humaines. L’information sur la maternité récente d’Élodie, ou sur celle, présumée, de la Miette, ne déclencha aucune réaction parmi les assistants. Les sœurs Galaine s’étaient calmées et leur frère avait retrouvé son attitude première après ses sursauts initiaux de révolte. Chacun écoutait avec attention le long prologue dans un silence tel qu’on entendait, lors des pauses de l’orateur, le grésillement des torches et des chandelles dont les fumées noirâtres montaient en volutes vers la voûte. Nicolas se garda bien de parler de la possession de la Miette, dont l’évocation risquait de faire sortir des voies de la raison la suite logique de cette audience.
    — Messieurs, dit-il enfin, sur un ton plus haut, je vais procéder avec votre permission à un ultime interrogatoire des témoins et suspects.
    — Procédez, monsieur le commissaire, répondit Sartine après un coup d’œil de courtoisie au lieutenant criminel.
    — Je vais naturellement commencer par Charles Galaine, le chef de la famille et le tuteur d’Élodie, fille de son frère aîné, Claude, disparu en Nouvelle France. Monsieur, avez-vous des déclarations complémentaires à nous présenter sur votre emploi du temps durant la nuit du 30 au 31 mai 1770 ?
    Charles Galaine se leva lourdement.
    — Je n’ai rien à ajouter ni à retrancher à mes déclarations. Je persiste à protester sur ce qui m’est imposé.
    — Libre à vous. Reconnaissez-vous avoir été informé des intentions de votre frère de prévoir la disposition de sa succession par la lettre retrouvée et déposée parmi les pièces à conviction ?
    — Il s’agit d’une correspondance privée.
    — J’en prends donc acte ; vous les connaissiez. Avez-vous lu le testament de votre frère et, si oui, à quel moment et par qui en fûtes-vous informé ?
    Galaine jeta un regard à sa femme et à ses sœurs.
    — Non.
    — Savez-vous que votre nièce était enceinte ?
    — Jamais je ne m’en serais douté.
    — Comment est-ce possible ?
    — Les filles, de nos jours, sont capables de bien des choses. Les mauvais exemples abondent. La vêture et la toilette peuvent, je suppose, dissimuler ce qui autrement serait évident.
    — Et de l’état de votre servante ?
    — Pas plus.
    — Comment expliquez-vous leur situation ?
    — Pour l’une, par une éducation négligée dans un pays à demi sauvage où elle fut sans doute livrée à tous les mauvais exemples et aux plus fallacieuses influences.
    — Vraiment ? Chez les religieuses qui l’élevèrent à Québec ?
    Le marchand ne répondit pas.
    — Et l’autre ? poursuivit Nicolas.
    — Elle ne sera pas la première servante à avoir jeté sa vertu par-dessus les moulins. C’est chose malheureusement fréquente de nos jours.
    — Vous m’avez affirmé que vos sœurs avaient accompagné Élodie à la fête. Maintenez-vous cette déclaration ?
    — Certes oui.
    — Et pourtant, elles vous

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