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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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démentent.
    — L’émotion, sans doute. La mort de leur nièce les a beaucoup touchées.
    — Ainsi, monsieur, point d’alibi. Une nuit où personne n’est capable de témoigner en votre faveur, une nuit environnée de mystères où nul ne vous a rencontré, où vous aviez tout le loisir d’assassiner votre nièce, d’abandonner son corps dans le désordre de la catastrophe, puis d’aller innocemment aux nouvelles. Monsieur, vous êtes suspect à plus d’un titre. Vous, le fils mal aimé, qui avez souffert de la préférence de votre père pour votre aîné, plus brillant, plus entreprenant et plus séduisant. Vous, le timide aux accès de violence, toujours dominé par les femmes de votre entourage : mère, nourrice, vos deux épouses successives. Vous qui m’avez dissimulé la lettre de votre frère, ce frère détesté. Vous qui saviez, ou pressentiez, que l’étui porté au cou par Naganda contenait une pièce importante. Vous à qui votre petite fille Geneviève, l’esprit circulant de la maisonnée, instrument innocent de la perversion, répétait ce qu’elle voyait et entendait. Oui vraiment, tout vous accuse, monsieur !
    — Je proteste ! Quel mobile aurais-je eu pour assassiner ma nièce ?
    — Mais, justement, l’intérêt, l’intérêt ! Voilà un marchand honorable d’un des grands corps, réputé sur la place, lancé dans des spéculations hasardées avec la Moscovie et sur le point de faire faillite, d’entraîner sa maison et sa famille dans sa débâcle.
    Charles Galaine tenta de protester.
    — Taisez-vous, monsieur ! Informé que votre frère a laissé en France fructifier une fortune importante et qu’entre cet argent et vous-même seule une pauvre jeune fille fait obstacle, résistez-vous à la tentation ? Elle est sans appui ni conseil, quasiment entre vos mains. N’est-ce pas là un mobile suffisant ? Nous savons, par le testament, que le premier enfant mâle de cette fille sera l’héritier de Claude Galaine.
    Galaine murmura.
    — Mais si j’avais songé à cette fortune, il aurait suffi que mon fils épouse Élodie !
    — Épouser Élodie ! Fi ! monsieur, Fi ! Vous faites bon marché des recommandations de notre Sainte Mère l’Église. Un cousin germain ! Et de surcroît, une fille mère qui allait accoucher…
    — Et qui vous dit que cet enfant n’est pas celui de mon fils ?
    Jean Galaine se leva, blême.
    — Non, mon père, pas ça, pas vous !
    — Voyez, dit Nicolas, même votre fils, que j’ai toujours pensé être amoureux de votre nièce, proteste contre cette idée. Et, de surcroît il ne vous est pas venu à l’esprit que l’enfant à naître pouvait témoigner contre cette proposition ?
    M. de Sartine intervint.
    — Que voulez-vous insinuer, monsieur le commissaire ?
    — Rien d’autre, monsieur, que le nouveau-né ne pouvait témoigner de son origine, mais, qu’en grandissant, il serait sûrement apparu comme ne pouvant pas avoir été engendré par un Jean Galaine ou tout autre jeune homme de Paris.
    — Et le pourquoi de cette affirmation ?
    Nicolas lança sa première carte dans le jeu compliqué de l’audience.
    — Parce que tout laisse présumer que l’enfant d’Élodie était aussi celui de Naganda. Une enfance partagée, les épreuves subies ensemble, une longue traversée de l’océan au milieu des périls de la guerre et de la fortune de mer, puis l’hostilité dont ils furent, sans relâche, entourés dans la maison Galaine, les avaient rapprochés au point… Après tout, elle n’avait pas vingt ans et lui en a trente-cinq. Y voyez-vous un obstacle dirimant ? De plus vertueux n’y eussent pas résisté.
    — Nicolas et les deux magistrats furent seuls à remarquer les larmes qui coulaient sur le visage impassible de l’Indien.
    — Nous y reviendrons et nous aurons à demander, à exiger même, des explications circonstanciées à Naganda. Mais, pour le moment, attachons-nous à la famille Galaine. Réservons pour la suite votre cas, monsieur. Considérons celui de votre fils. Voici les mêmes enténébrements de raisons, la même impossibilité de fournir un récit cohérent de cette nuit fatidique où se bousculent les détails d’une aventure dans les bras d’une fille galante, de rencontres imprévues avec des compagnons de débauche, d’un trou de plusieurs heures et, enfin, d’un retour tardif au logis. Que d’incertitudes, que de parts d’ombre qui ne peuvent que susciter le doute et

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