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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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et Nicolas les prenait comme telles. En franchissant la Seine et sous la colline du château de Bellevue, le souvenir de M me de Pompadour s’imposa à lui, comme toujours à cet endroit. La même pensée avait traversé Sartine.
    — On a dit de bien vilaines choses à la mort de notre belle amie… S’il vous arrive d’en entendre, ne laissez pas dire. Le roi est un bon maître, nous le devons défendre.
    — Je suppose, monsieur, que vous faites allusion à ces accusations d’indifférence lors du transfert du corps de la marquise à l’église des Capucins de Paris. Son cortège passa en vue du château…
    — Vous supposez bien. Mais retenez cela : j’ai vu le roi très affligé de cette mort. Il se contraignait avec tout le monde pour dissimuler sa peine. Mais ce soir-là, alors que votre ami la Borde voulait fermer les volets, le roi était déjà avec son autre valet de chambre, Champlost, qui me l’a conté. Il regarda le convoi et demeura là sous la pluie jusqu’à ce que la dernière voiture ait disparu. Il rentra dans la pièce, le visage couvert de larmes — de larmes, pas de pluie —, et murmura : « Voilà les seuls devoirs que j’ai pu lui rendre !… Une amie de vingt ans ! »
    Sur cette confidence, Sartine se détourna et ne rompit plus le silence jusqu’à Versailles. Nicolas songea qu’il ne ferait jamais le tour de cet homme.

    À peine leur carrosse était-il entré dans la première cour qu’un garçon bleu se précipita pour remettre un pli cacheté au lieutenant général de police. Il devait sans attendre s’entretenir avec M. de Saint-Florentin, ministre de la maison du roi. Il s’empressa vers l’aile des ministres, enjoignant à Nicolas de l’attendre à l’entrée des appartements. Celui-ci faisait les cent pas, musant et observant les détails curieux d’architecture de la façade quand il fut tiré par un pan de son habit. Il eut la surprise de découvrir Rabouine, sa mouche, l’épée au côté, et dont le visage maigre grimaçait pour attirer son attention.
    — Mais, que fais-tu là, Rabouine ? Et l’épée au côté, de surcroît !
    — Ne m’en parlez pas, il a bien fallu que j’en loue une ; on ne me laissait point entrer sans cette lardoire qui, paraît-il, dans ce pays-ci, donne noble mine ! J’enrageais de parlementer, ayant grande crainte de vous manquer, quand je vous vis passer avec M. de Sartine. M. Bourdeau m’envoie avec un message urgent. J’ai galopé à franc étrier avec une carne qui a bien failli me jeter bas vingt fois !
    Nicolas ouvrit le pli de son adjoint, qui disait seulement : « Rabouine vous éclairera les faits. » Il interrogea l’intéressé d’un regard.
    — Il s’en est passé de belles Aux Deux Castors , là où vous enquêtez pour l’heure, commença Rabouine. Des bruits terribles ont réveillé la maisonnée sur le coup de trois heures du matin. Tout le voisinage en a été alerté et s’est rassemblé autour de la maison des Galaine. On a même sonné le tocsin d’une chapelle voisine. La porte du magasin forcée, ceux qui sont entrés ont trouvé la famille à genoux qui priait, alors que la servante dans sa natureté dansait la gigue et bondissait jusqu’aux solives, le corps tout enveloppé d’étranges lueurs. Effarés, les curieux se sont enfuis. Finalement, le curé est venu, a calmé la famille qui criait au miracle, comme jadis avec les convulsionnaires de Saint-Médard 55 . Le guet a dispersé la multitude. Votre collègue du quartier a fait mettre des gardes-françaises en faction devant la boutique. Voilà !
    Nicolas réfléchit un instant, puis s’assit sur une borne pour écrire un court billet qu’il scella de sa chevalière aux armes des Ranreuil sommées d’une couronne de marquis.
    — Rabouine, tu retrouves Bourdeau et tu lui remettras ceci. Mais après t’être restauré.
    Il lui lança une pièce, que l’autre saisit au vol.
    — Je reste ici avec M. de Sartine, reprit le commissaire. Je devrais rentrer dans la soirée. Autrement, je serai chez M. de la Borde, premier valet de chambre du roi.
    Il achevait à peine de noter ces surprenantes nouvelles sur son carnet noir qu’il fut entraîné par un Sartine empourpré vers le « Louvre » et l’entrée des appartements. Il essaya bien d’ouvrir la bouche, mais les yeux de son chef lui intimèrent le silence. Il renonça donc et le suivit dans les dédales du palais. Après avoir gravi un escalier à

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