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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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invités de l’Hôtel des Ambassadeurs Extraordinaires.
    — Tout cela est d’évidence, monsieur. Quel est le bilan de ce triste jour ?
    Le roi s’était tourné vers Sartine, qui fit signe à Nicolas de reprendre.
    — Ainsi que me l’avait ordonné M. de Sartine, j’ai procédé à un dénombrement précis des victimes. Officiellement, cent trente-deux morts. M. le procureur général a procédé parallèlement. Nous avons confronté nos chiffres, attentifs à recueillir les avis de décès des personnes disparues à la suite des funestes événements du 30 mai. La liste se monte à mille deux cents.
    — Tant que cela ? dit le roi, accablé.
    — Sur cette masse, le décompte a pu déterminer cinq moines, deux abbés, vingt-deux personnes distinguées, cent cinquante-cinq bourgeois, quatre cent cinquante-quatre du menu peuple, quatre-vingts noyés, non compris ceux qui ont été emmenés chez eux ou à l’hôpital.
    Le roi, toujours porté aux détails macabres, s’intéressa à l’état des corps retrouvés. Nicolas répondit courtement et Sartine, soucieux comme lui de ne point assombrir le monarque, s’empressa de détourner la conversation. Il rappela le projet soutenu par ses bureaux, qui portait en substance que les pierres dures ne seraient plus taillées ni travaillées dans les rues et places de Paris, mais auprès des carrières, afin d’éviter des encombrements si dangereux. Il ajouta :
    — Le roi sait sans doute que Monseigneur le Dauphin m’a fait tenir six mille livres sur la somme que Votre Majesté lui alloue pour ses menus plaisirs. Touché du malheur survenu, il me demande d’en disposer pour les plus malheureux.
    — J’aime qu’il soit touché de compassion du sort de mes sujets. Et je sais qu’il vous assure de son estime, ce dont il est d’ordinaire ménager à l’extrême.
    Il parut à Nicolas que Sartine rougissait.
    — Qu’avez-vous à m’apprendre de moins triste, Sartine ?
    — Sire, l’évêque de Tarbes ayant accroché un fiacre, le prélat jeune et galant a reconduit l’occupante à son domicile après s’être mille fois excusé. On n’a pu ensuite lui dissimuler que la personne en question était la Gourdan, la première maquerelle de Paris.
    — Oh ! fit le roi en riant, je ne parierais pas que certains de ses confrères n’auraient pas reconnu cette entremetteuse ! C’est tout, Sartine ?
    — Rien d’autre qui puisse intéresser ou distraire Votre Majesté.
    Le roi étendit les jambes. Il se frotta les mains, l’air guilleret.
    — Point du tout, Sartine, il y a autre chose dans votre bonne ville. J’apprends qu’on s’agite, que le peuple s’assemble, que l’émotion gagne. Après Saint-Médard, c’est la rue Saint-Honoré.
    Il regardait Sartine avec attention. Nicolas, qui se trouvait à nouveau derrière son chef, prit son petit carnet, l’ouvrit et le plaça avec délicatesse dans la main du lieutenant général de police. Ce mouvement n’échappa point au roi.
    — Vous avez oublié quelque chose ?
    — Non, Sire, dit froidement Sartine. Je vérifiais mes notes au cas où un événement pouvant intéresser Votre Majesté aurait pu m’échapper.
    Nicolas, sur le coup, ne comprit pas.
    — Ah ! Ah ! fit le roi. Je vous y prends. Dois-je vous apprendre que des manifestations étranges émeuvent une famille de boutiquiers près de l’Opéra ? Que l’on croit revenus les désastreux scandales qui se multiplièrent autour de la tombe du diacre Pâris. Vous savez comment cela commence… Je vois déjà l’archevêque venir mettre le nez dans l’administration et la police de cette ville, comme il y a peu, quand il sut m’extorquer une lettre de cachet qu’avec raison vous me signalâtes être un empiétement extraordinaire et peu acceptable. Sartine, il nous faut prendre garde à cela. Voici mes ordres. Le petit Ranreuil qui a encore prouvé sa valeur et son sang-froid ira loger dans cette maison pour enquêter sur cette prétendue possession. Il m’en fera rapport exact et circonstancié lorsqu’il en aura percé le mystère. Et cela sur-le-champ.
    — Il en sera fait selon les ordres de Votre Majesté.
    Le roi se leva. Il paraissait rajeuni.
    — Cet entretien restera entre nous trois. Vous, Sartine, viendrez à votre audience demain, jour de Pentecôte, et me ferez plaisir de rester à mon souper dans les petits appartements. Quant à vous Ranreuil, à cheval, taïaut ! taïaut ! Bonne chasse !
    Ils

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