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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l’attentat contre un vieil homme que la loi punirait, mais aussi l’offense faite à un magistrat, c’est-à-dire au détenteur d’une partie de l’autorité royale.
    La maison Noblecourt était déjà en pleine effervescence. Après une bonne nuit, le vieux magistrat s’était éveillé à l’aube, juste un peu moulu suite de l’agression de la veille, mais ragaillardi et affriandé à l’idée de pouvoir faire une pause avec la bénédiction de la Faculté, dans son austère régime habituel. Il avait commandé son chocolat et attendait ses pains mollets. Lorsque Nicolas entra dans sa chambre, le vieil homme, revêtu d’une robe en perse amarante et la tête enveloppée dans un madras qui cachait ses pansements, surveillait avec impatience les pas menus de Marion et les grandes enjambées de Catherine qui dressaient toutes deux le couvert près de la fenêtre donnant sur la rue. Cyrus, jappant et gémissant, se précipita aux pieds de son maître.
    — Ah ! mon vieux compagnon, dit Noblecourt mi-ironique, mi-ému, tu as dû vivre de bien terribles aventures avec Nicolas ! Tu pars sans un regard mais tu reviens content de te retrouver céans !
    Il se tourna vers Nicolas en désignant sa tenue d’un geste théâtral.
    — Ne me trouvez-vous pas grand Mamamouchi , ainsi ? Quid novi , mon bon ami ? Vous paraissez fatigué. Prenez place, asseyez-vous et contez-moi tout par le détail.
    Catherine posa un grand plateau avec le chocolat, les tasses, les pains, rejoints par les croissants et les brioches, et trois pots de confiture.
    — Je crois qu’il faut d’abord demander à Catherine de préparer une bonne pâtée pour Cyrus, qui n’a pas fait grande chère rue Saint-Honoré.
    À ces mots, le chien s’agita et fila sur ses vieilles pattes vers l’office.
    — Et de surcroît, vous me l’avez affamé ! Mais que vois-je ? Des croissants et des brioches !
    Catherine grommela.
    — C’est bour Nicolas, bas bour vous, monsieur. Soyez raisonnable. Les betits bains suffisent.
    — Bien, bien. Tu peux disposer.
    Mécontent, il la chassa comme s’il écartait une mouche. À peine eut-elle le dos tourné que sa main s’arrondit sur une brioche qu’il emplit, après l’avoir ouverte, d’une large cuillère de confiture de cerises sous le regard sévère de Nicolas, qui commença son récit. Quand il se tut, le vieux magistrat, rassasié, se recula dans son fauteuil et, après un regard sur la rue Montmartre, joignit les mains.
    — Un autre que vous m’aurait conté cela, je ne l’aurais jamais cru, dit-il. Certes, notre foi nous impose de porter créance à mille récits de la vie des saints. Se peut-il qu’existent un autre versant, un revers à la médaille, un reflet néfaste et ténébreux de notre propre existence ? L’Église, c’est vrai, nous incite à le croire et il me plaît d’apprendre que l’homme chargé des exorcismes, ce père Raccard, soit d’évidence un homme raisonnable et non un de ces petits esprits rancis et rétrécis qui regrettent l’Inquisition et n’auraient de cesse de jeter la pauvre victime en proie à ces folies dans les flammes du bûcher. Il faudra me le présenter. On invitera le maréchal de Richelieu et quelques beaux esprits et on dissertera devant quelques fines bouteilles. Quelle soirée en perspective !
    Tout en parlant, il tordait sournoisement la corne d’un croissant.
    — Vous êtes-vous posé les questions essentielles ? reprit-il. Soit la fille était proprement possédée, et pourquoi cet excès d’indignité ? Soit il s’agissait d’une malade comme notre ami Semacgus en eut l’intuition première, et alors qu’apporte sa « crise » dans le cours de votre enquête ? Dans le premier cas, pourquoi le malin se serait-il intéressé à une pauvre servante ? Si nous nous plaçons du point de vue de l’Église, c’est sans doute parce qu’elle avait offert l’occasion au démon de s’emparer de son âme. Et si tel est le cas, tirez-en immédiatement les conséquences. Cette Miette se trouve au centre de votre enquête. Dans le deuxième cas, si la pauvrette est malade, les conclusions que son état inspire nous dirigent vers la même explication. Quels faits épouvantables, quelle responsabilité insupportable ou quelle lourde complicité ont-ils pu la mener à cet état de délabrement mental ? Pour moi, elle est au centre de tout. Faites-la parler.
    — Hélas, soupira Nicolas, elle a perdu la raison et rien ne

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