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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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berges, des paysans debout dans le fleuve
jusqu'aux genoux se lavaient les cheveux, tandis que des enfants sautaient
joyeusement du haut de leur maison en poussant des cris ravis. Les hommes et
les femmes se baignaient ensemble, les uns et les autres torse nu, seulement
vêtus de panungs de coton pour couvrir le bas de leur corps. Ils se baignaient
trois ou quatre fois par jour, malgré les risques que représentait le
redoutable poisson-lune qui se gonflait comme un ballon et qui, en dépit de son
absence de dents, plantait ses mâchoires dans les cuisses et les jarrets des
baigneurs pour leur arracher de grands lambeaux de chair.
    Le navire était passé devant l'avant-poste hollandais de
la Petite Amsterdam, avec ses maisons de brique, où les Hollandais avaient une
autre factorerie et où résidaient un certain nombre de leurs citoyens. Des
navires lourdement chargés en provenance de leur colonie de Batavia, à Java,
déchargeaient là : ils livraient leur cargaison de riz et de bois de
construction, de quilles et de gommes, s'acquittant à chaque fois des taxes
dues à la Couronne siamoise. Ce groupe de maisons semblait plutôt paisible :
Phaulkon se rappelait pourtant comment, seulement trois mois auparavant, six
matelots hollandais qui sommeillaient sur l'herbe avaient été entraînés par des
tigres : on ne les avait jamais revus.
    Le grand fleuve décrivait des méandres autour de
ravissantes petits îles et s'enfonçait par endroits dans la campagne comme
autant de bras étincelants. Des buissons de jasmin, des gardénias avec leurs
fleurs blanches bien épanouies parsemaient la rive, se mêlant çà et là au
flamboiement des bougainvillées. Ils allaient bientôt passer le petit port de
Bangkok avec son fortin de bois, célèbre pour son verger coloré qui s'étalait
le long de la rive : des plantations de bananiers, de pamplemoussiers, de
papayers, de goyaviers, de manguiers, de mangoustans, de tamariniers, de canne
à sucre, d'ananas et de cocotiers. Comme ils passaient devant des fermes
alignées de chaque côté, on entendait les enfants crier « Farangs ! Farangs ! »
et de petites embarcations se précipitaient alentour, pilotées par des femmes
aux seins nus, chargées de produits du marché que l'on cherchait à leur vendre.
Même quand elles arrivaient trop tard, les souriantes batelières lançaient des
fleurs dans le sillage du navire et poussaient des cris amicaux. Rien n'avait
changé. Il avait l'impression de revivre sa première visite.
    Phaulkon avait aimé le Siam dès l'instant où il y avait
abordé. Il avait le sentiment de l'avoir connu dans une autre vie, car tout lui
semblait familier et était cher à son cœur. Les mêmes scènes exactement, le
long de cette majestueuse voie d'eau, l'avaient tout de suite captivé. Il avait
passé les six premiers mois à Ayuthia, occupé à maîtriser cette langue
difficile, à rencontrer des négociants de tous les coins du monde et à discuter
avec eux, à chercher un acquéreur discret pour ses précieux canons et à aider
Burnaby à réinstaller l'entrepôt britannique.
    George White avait omis de lui dire toute la vérité sur
la présence anglaise au Siam. C'était un secret de la Compagnie. Une factorerie
britannique s était installée par éclipses pendant un certain nombre d'années :
mais elle avait ouvert et fermé si fréquemment, et dans des circonstances si
douteuses, que l'on avait discrètement passé sous silence ces nombreux
incidents et que l'on avait fort opportunément « oublié » l'existence de
l'établissement. Le comptoir était resté la plupart du temps en demi-sommeil
tandis que ses agents se chamaillaient, buvaient à en perdre l'esprit, se
conduisaient en joueurs impénitents, mettaient en gages les actifs de la
Compagnie et allaient même jusqu'à emprunter de l'argent au roi. Certains
avaient passé quelque temps dans une prison du pays avant d'être expulsés.
Maintenant que les rusés Siamois tenaient tant à voir les Anglais revenir, eux
aussi avaient opportunément oublié le passé et la Compagnie était désormais en mesure
d'annoncer qu'on l'avait invitée à « ouvrir un comptoir au Siam ».
    C'était environ cinq mois après son arrivée. Son ami
Pedro Alvarez venait de partir enquêter sur un débouché prometteur pour des
canons à Pattani : Phaulkon en était alors presque venu aux mains avec son
chef. Burnaby avait reçu le Grec dans le salon de sa maison où, en véritable
Britannique, il s'était

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