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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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mauvais côté de l'océan.
    Phaulkon était assis à son nouveau lieu de travail. On ne
pouvait guère parler de bureau : seulement une petite pièce nue aux murs de
planches, un sol en terre battue et un trou en guise de fenêtre. On l'avait
installé à l'écart de l'activité normale du ministère du Commerce, preuve du
caractère confidentiel de sa mission. Il avait demandé une chaise pour
s'asseoir et une table pour écrire et, par égard pour d'aussi étranges coutumes
farangs, on avait déniché les deux articles dans un vieil entrepôt où des
objets jetés au rebut, pour la plupart cadeaux des Jésuites, s'entassaient sous
une couche de poussière. Les Siamois, eux, s'accroupissaient sur le sol pour
écrire.
    On l'avait mis au travail au ministère du Commerce et du
Trésor, sans doute en raison de ses talents de comptable. On lui avait demandé
de dresser un inventaire des possessions du roi dans les entrepôts royaux et
d'examiner la masse des factures présentées au Trésor par les Maures pour les
réceptions. Chaque fois qu'une grande ambassade asiatique se rendait au Siam,
Sa Majesté, suivant une tradition séculaire, recevait somptueusement ses
visiteurs, sans regarder à la dépense. En vertu d'une tout aussi longue
tradition, c'étaient les Maures qui étaient chargés d'organiser les fêtes et
les banquets.
    Aiguillonné par sa formidable ambition et aidé par une
prodigieuse mémoire des détails, Phaulkon se mit à l'ouvrage avec une
détermination digne du Jésuite le plus dévot plongé dans la tâche qu'on lui avait
assi-gnée. Refusant toutes les invitations, travaillant jusqu'à une heure
avancée de la nuit, il tria des monceaux de paperasses, classant les factures
par ordre chronologique et transposant les dates musulmanes selon les données
du calendrier bouddhique. Il nota les prix de tous les articles qui revenaient
fréquemment dans les factures et commença par les comparer. Puis il pointa
leurs dates d'achat et put établir une comparaison avec les chiffres qu'il
avait appris par cœur.
    Il terminait alors sa quatrième semaine de travail.
Entre-temps, il s'était rendu à deux reprises au marché, sachant très bien
qu'on le suivait. Chaque fois, un nouveau fonctionnaire du ministère
s'introduisait dans le marché, non loin de lui, et faisait mine de flâner
autour des éventaires qui entouraient celui de Sri. D'autres le suivaient chez
lui le soir et, quand il partait le matin pour son travail, il y avait toujours
une silhouette rôdant dans l'allée devant sa maison. Phaulkon avait
l'impression que ceux qui le filaient ne se donnaient pas grand mal pour
dissimuler leurs intentions : peut-être le ministère voulait-il simplement lui
faire savoir que l'on observait tous ses mouvements.
    Sri ne l'avait pas déçu. Comme promis, elle lui avait
fourni une liste détaillée des prix des denrées, avec les nombreuses
fluctuations survenues au cours de l'année précédente. Armé d'une plume d'oie
et de papier de riz, il avait passé de longs moments auprès d'elle, à noter
chaque chiffre qu'elle avait dicté. Puis, après son travail, il était rentré
chez lui et avait appris la liste par cœur. Ce serait plus impressionnant, le
moment venu, de communiquer les chiffres au Barcalon sans avoir à consulter ses
notes.
    L'angoisse du temps qui passait et la pensée de ses
compagnons toujours détenus à Ligor commençaient à lui porter sérieusement sur
les nerfs. Il ne restait guère qu'un peu plus d'un mois avant le rendez-vous
avec Sam White à Mergui. Il donnait mal, obsédé à l'idée de toutes les eneurs
qui pouvaient se cacher dans la paperasserie des comptes.
    Phaulkon contemplait la montagne de documents qui
s'entassaient sur son bureau. C'était la vingt-septième pile de papiers qu'il
avait laborieusement triée en autant de jours : et sans résultat. Il semblait
n'y avoir aucune erreur grave dans les comptes. Il dénoua le cordon qui
maintenait ensemble le tas de factures et, avec plus d'obstination que
d'espoir, s'attaqua à une nouvelle liasse.
    Puis il sursauta. Il relut les chiffres, en priant le
Ciel de n'être pas simplement surmené. Mais non : les totaux ne correspondaient
pas. Il remarqua alors une petite annotation dans la marge d'une facture. Elle
était à peine lisible, suffisamment toutefois pour prouver qu'elle était
rédigée en malais et non en siamois. Même si Phaulkon écrivait et parlait
couramment le malais, les caractères étaient trop effacés

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