Le faucon du siam
expliqua-t-il
à White.
— Oh, je suis navré de l'apprendre.
— Ça va beaucoup mieux maintenant, merci, Constant.
C'est presque complètement guéri. Mais je suis impatient d'entendre de votre
bouche des nouvelles de la cargaison et de votre... brillant exploit. »
Phaulkon regarda autour de lui. « Autant que je vous
explique aussi l'histoire, Samuel. Je suis actuellement employé au ministère du
Commerce siamois. Je dirais : à l'essai. J'ai été reçu par le Barcalon, qui est
tout aussi rusé qu'on le dit. Je crois qu'il nourrit les plus sérieux soupçons
concernant nos récentes activités, mais il est prêt à tout oublier si nous
pouvons lui être plus utiles vivants que morts. C'est là-dessus que je compte.
Pour l'instant, j'ai dénoncé les pratiques frauduleuses des Maures qui
organisent les banquets et j'ai arraché à Son Excellence un accord de principe
: on nous fournira les marchandises à crédit pour le voyage en Perse. L'accord
est valable à condition que nous apportions le navire. L'arrivée fort opportune
de M. White va nous permettre de remplir cette condition. Il semble toutefois
que les autorités siamoises ne tiennent pas à faire savoir aux Maures que l'on
enquête sur eux. Officiellement, le gouvernement n'a rien à voir là-dedans.
C'est pourquoi les Siamois tiennent tant à ce que nous utilisions notre propre
navire.
— Et l'enquête à Ligor est-elle maintenant terminée?
demanda Burnaby.
— J'ai l'impression qu'elle restera suspendue
au-dessus de nos têtes jusqu'au moment où nous leur aurons donné la preuve que
mieux vaut n'y plus penser. » Il se tourna vers White. « Quel dédommagement
proposez-vous à votre équipage ? Peut-on compter sur son silence?
— J'ai dû promettre aux hommes dix pour cent des
bénéfices, à répartir entre eux.
— Vont-ils s'en contenter? interrogea Phaulkon.
— Si nos estimations sont correctes, cela représente
davantage que leur solde pour toute une année. Les Maures doivent gagner une
fortune. Les hommes s'attendent naturellement à ce que les officiers se
partagent encore dix pour cent, et j'ai expliqué que le reste devra revenir aux
investisseurs qui ont avancé l'argent. Je n'ai pas précisé de qui il
s'agissait.
— Voilà qui me semble raisonnable. Et vous pensez
que cela nous assurera de leur silence ?
— Une fois l'argent en poche, ils ne risquent guère
de bavarder, surtout quand ils auront partagé la responsabilité de saborder
l'un des navires du bon roi Charles. Le seul ennui que je puisse envisager,
c'est si les bénéfices n'atteignent pas les sommes escomptées.
— Quelle marchandise avons-nous maintenant, prête à
embarquer, Constant? demanda Burnaby, comme s'il avait participé aux
préparatifs.
— Du thé, des soies chinoises, des satins et des
tissus damassés, de la porcelaine, du bois de sampang, des défenses
d'éléphants, de 1 etain, des peaux et de la gomme. Comme vous l'avez suggéré,
Richard, conclut sèchement Phaulkon.
— Excellent, répondit Burnaby, avec l'air satisfait
de quelqu'un dont l'adjoint a bien travaillé en son absence.
— Dans combien de temps pourrons-nous charger?
demanda Samuel. Cette question est capitale, même si, je dois l'avouer, je ne
suis pas impatient de refaire ce voyage en sens inverse. Cette fois, je
n'engagerai que des éléphants. Ces maudits bœufs attireraient tous les tigres
de la région.
— Nous devrions pouvoir disposer des marchandises
bien empaquetées dans deux ou trois jours. Dès demain matin je m'en vais parler
au Barcalon.
— Monsieur Phaulkon, reprit White d'un ton
sensiblement radouci, il y a bien longtemps que mon frère m'a parlé de ce
projet, mais une fois ce voyage terminé, quelles possibilités y aurait-il pour
quelqu'un comme moi de trouver un emploi au Siam ?
— Cela dépendra beaucoup de la réussite de cette
expédition. » Il marqua un temps. « Je vais vous parler ouvertement, plus que
je ne le ferais avec un étranger, compte tenu de la grande amitié que je porte
à votre frère : cela crée en effet un lien entre nous. »
Samuel White s'inclina. « Et je m'efforcerai, monsieur,
de mériter votre confiance.
— Voyez-vous, Samuel, mon ultime objectif est
d'amener les Anglais à des positions solides dans la province occidentale du
Tenasserim, d'où ils pourraient contrôler les routes commerciales à travers le
golfe du Bengale.
— Voilà des années que la Compagnie convoite Mergui,
souligna White
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