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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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s'enorgueillissait du grand port de Mergui, à soixante kilomètres en aval
de la cité de Tenasserim.
    L'Oc-Ya Tannaw s'installa à la table du Conseil et
promena autour de lui un regard impérieux. Son oncle avait été gouverneur de
Mergui et ses coreligionnaires musulmans occupaient la plupart des postes
importants de la province.
    Il examina ses collègues l'un après l'autre. Tous barbus,
tous marchands et tous musulmans. Officiellement, ils devaient allégeance à la
Couronne siamoise : ils vivaient sur ses terres et bénéficiaient de son
commerce. Mais dans leurs veines coulait le sang de leurs ancêtres, venus de
l'autre rive du golfe et, au-delà, des grandes terres des Moghols et des shahs.
Dans leurs cœurs, ils savaient qu'il n'y avait qu'un seul Dieu, Allah. Aussi
portaient-ils la barbe comme le prophète Mahomet, car ils faisaient partie de
ses fidèles et non pas de ces Siamois généralement imberbes.
    C'était une époque troublée, songea l'Oc-Ya Tannaw. On
sentait des changements dans l'air. Il en était conscient et il avait besoin de
s'en assurer.
    « Mes frères, commença-t-il, vous savez tous pourquoi je
vous ai convoqués ici. Je n'aime pas la tournure que prennent les événements.
D'abord, on donne à ce farang, Phaulkon, un poste au ministère du Commerce.
Puis nous apprenons que notre frère, Luang Rachid, n'est plus à la tête du
service des Banquets. Et qui le remplace ? Nul autre que ce Phaulkon. Sur ces
entrefaites, un navire anglais arrive de Madras. Il n'y a là rien
d'extraordinaire, sinon que le capitaine fait le voyage seul jusqu'à Ayuthia
pour voir ce même farang, Phaulkon. Depuis ces trois derniers jours, mes
frères, des caisses en provenance d'Ayuthia sont arrivées par la route de terre
à Mergui, à un rythme inquiétant. Nos espions dans la capitale n'ont pas été en
mesure de nous en révéler le contenu. On les a remplies dans le secret le plus
total et sous si bonne garde que nos informateurs n'ont pas réussi à en approcher.
» Il se pencha en avant. « Ce qui est intéressant, mes frères, c'est que
l'emballage s'est effectué dans les entrepôts royaux et non pas dans la
factorerie anglaise. J'ajoute que ces mêmes caisses sont en ce moment chargées
à Mergui, à bord d'un grand navire de commerce anglais, une fois de plus sous
la protection de gardes armés. Qu'est-ce que cela signifie pour vous? »
    Farouk Radwan, un petit homme trapu et velu, se gratta la
barbe d'un air pensif.
    « Manifestement, Votre Honneur, ce sont des marchandises
du Trésor que l'on expédie par ce navire anglais. Elles ont pu être achetées à
la Couronne pour leur factorerie de Madras ou bien...
    — Ou bien ? répéta l'Oc-Ya Tannaw.
    — Ou bien elles pourraient avoir une autre
destination.
    — La Perse, par exemple ?
    — Peut-être. » C'était Fawzi Ali qui avait répondu
en reposant son narguilé. « Je doute pourtant que le gouvernement siamois fasse
une chose pareille sans nous en informer au préalable. »
    — Pourquoi pas ? » demanda l'Oc-Ya Tannaw.
    Fawzi Ali, qui avait déjà repris son narguilé, le
    reposa nerveusement. « Parce que le commerce depuis cette
province et en direction de la Perse est entre nos mains depuis aussi longtemps
que l'on peut s'en souvenir. Mon grand-père faisait commerce avec Ormuz et
Ispahan depuis la maison même que j'occupe actuellement. Quelle raison y
aurait-il d'interrompre cette tradition ? »
    L'Oc-Ya Tannaw n'avait pas l'air convaincu. « Aussi loin
que puissent remonter nos souvenirs, l'organisation des banquets royaux a
toujours été confiée aux Maures, Fawzi. Et regarde qui prépare aujourd'hui le
banquet pour l'ambassade chinoise.
    — Le bruit court que Sa Majesté veut surprendre
l'ambassadeur en introduisant dans le repas des spécialités farangs et les
boissons alcoolisées indispen-
    sables pour faire passer leurs cochonneries », lança
Faiçal Sidiq en plissant le nez. Sa famille était au Siam depuis près de deux
siècles et il avait les yeux moins ronds que les autres.
    L'Oc-Ya écarta cette idée d'un haussement d'épaules
impatient. « C'est une excuse, pas une rumeur. J'ai l'impression, mes frères,
que l'on enquête sur nous, sur notre communauté, sur toute la fraternité
musulmane. Ce n'est que le début : on essaie encore de maintenir une certaine
discrétion. Mais, écoutez-moi bien, les choses ne s'arrêteront pas là. Nous
devons découvrir ce qui se trouve dans ces caisses et, surtout, quelle

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