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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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s’était tenu prêt, glissant la main derrière son dos, tâtant la porte qui tremblait. Et pendant ce temps, il appelait à lui tout ce qui lui restait de forces et concentrait tout son effort à écarter les lames les plus menaçantes.
    Brusquement, il avait senti que la porte s’ouvrait toute grande derrière lui. Sans se retourner, sans regarder, il avait fait un bond en arrière. Au même instant, quelqu’un poussait la porte, mettait les verrous, donnait un double tour de clé et – suprême précaution ou geste machinal d’affolement – faisait disparaître la clé.
    Ceci s’était passé en moins d’une seconde.
    La nuit commençait à tomber. Jehan vit une fine silhouette de jeune femme, vêtue comme une ouvrière. Il n’eut le temps ni de la regarder ni de la remercier. Elle murmura : « Silence ! » et demeura penchée sur la porte, écoutant attentivement, lui tournant le dos.
    – Ils s’en vont, dit la jeune femme en se redressant. Venez. Et elle se retourne vers lui.
    C’est une adorable jeune fille, de taille un peu au-dessus de la moyenne, mince, frêle, délicate. Un teint d’une éblouissante blancheur, une merveilleuse couronne de cheveux châtain clair. Des attaches et des extrémités aristocratiques. Une inconsciente dignité dans les attitudes. Un visage sérieux, comme voilé de mélancolie. C’est une petite ouvrière parisienne.
    Jehan le Brave s’incline avec grâce devant elle :
    – Madame, commence-t-il.
    Et il s’interrompit pour s’exclamer :
    – Eh mais !… C’est toi, Perrette !… Ma petite sœur jolie !… Perrette, la sœur de Gringaille, la bien-aimée de Carcagne – car c’est bien elle – Perrette sourit gracieusement. Et son sourire est plein d’un charme ingénu. Mais, à ce mot de sœur, une crispation passe sur son joli visage. Ombre très fugitive d’ailleurs. Le frais sourire reparaît aussitôt sur ses lèvres vermeilles.
    Jehan l’avait saisie, soulevée, et il appliquait sur ses joues veloutées deux baisers tendrement fraternels. Elle avait pâli d’une manière imperceptible. Et elle dit ce seul mot :
    – Venez.
    – Plus étourdi par l’imprévu de cette rencontre que par la lutte épique qu’il venait de soutenir, Jehan la suivit machinalement jusqu’à la maison qui se dressait au centre du jardin.
    Le rêve, très ancien déjà, de Perrette, avait été de devenir la femme de Jehan. C’est dans cette idée qu’elle avait su se garder pure dans un milieu où la pureté était inconnue. Pour cela et aussi, il faut bien le dire, par une inconsciente fierté native. Depuis quelque temps cependant, elle avait bravement renoncé à son rêve.
    Fine, intelligente, d’un caractère exceptionnellement sérieux, le cœur très haut placé, une pointe d’orgueil, toutes ces qualités réunies remplaçaient chez elle l’instruction et l’éducation absentes, ou à peu près.
    Elle avait senti que Jehan était d’une autre race qu’elle et les siens.
    Certainement, un jour ou l’autre, on connaîtrait sa naissance, et cette naissance ne pouvait manquer d’être illustre. Alors, elle s’était dit : « Il ne peut pas être à moi. Il ne le sera jamais. Le mieux est de ne plus y penser. »
    Comme elle était très jolie et qu’elle le savait, nous n’oserions pas affirmer que, tout en renonçant, elle ne gardait pas un peu d’espérance. Mais elle avait mis son orgueil à cacher soigneusement ses sentiments secrets. Grâce à une volonté de fer, elle pouvait croire qu’elle avait réussi, sinon à les étouffer, du moins à les dissimuler.
    Les choses avaient été ainsi jusqu’au jour où elle s’était aperçue que le cœur de Jehan était pris… pour une autre qu’elle. Bien que prévu et attendu, le coup n’en avait pas moins été rude. Mais, à force de volonté, elle avait fini par se dompter. Et comme, sous son apparence tranquille et sérieuse, elle cachait une sensibilité extrême, s’exaltant à plaisir les bienfaits – réels – de Jehan, elle s’était imposé de n’avoir pour lui que des sentiments de reconnaissance et d’amitié fraternelle.
    Cependant, si remarquable que fût l’empire qu’elle avait sur elle-même, on comprend qu’un tel renoncement ne pouvait pas aller sans quelques déchirements. De là les émotions passagères qu’il nous faut noter lorsqu’elles se produisent.
    Perrette fit entrer Jehan dans la pièce qui lui servait d’atelier. Il y avait là tout

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