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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Bientôt les armes furent propres, brillantes, bien graissées, comme lorsqu’elles étaient neuves.
    Ce jour, qui était le cinquième de leur séjour dans ce lieu de bombance, était aussi le douzième que Jehan passait chez Perrette la Jolie. C’était un mercredi, et la lavandière devait aller livrer son ouvrage à l’abbaye.
    Elle partit, accompagnée comme d’habitude, par une ouvrière qui portait le linge dans un grand panier. Cette ouvrière était coiffée d’une capeline brune qui tombait sur les épaules, encadrait le visage et le cachait presque en entier. Cette coiffe était celle de toutes les femmes du peuple d’un certain âge. A part, bien entendu, les jeunesses et quelques dévergondées qui tenaient à faire admirer leurs traits. Celle-ci était une femme sérieuse. De plus, elle ne devait pas être bien portante, car elle avait autour du cou une grosse écharpe de laine qui lui remontait jusque sur le nez.
    Les deux femmes s’engagèrent dans le chemin qui, de la croix, conduisait à l’abbaye. Elles se trouvèrent brusquement en face d’un homme qui descendait. Cet homme, c’était Saêtta.
    Perrette éprouvait pour lui une profonde antipathie. Pourtant, il s’était toujours montré relativement doux avec elle. Ceux qui aiment réellement ont souvent de ces intuitions inexplicables. La rencontre n’était pas agréable à la jeune fille… ni à son ouvrière, paraît-il, car celle-ci eut un brusque haut-le-corps. Mais il n’y avait pas moyen de l’esquiver. Elle essaya quand même de passer en adressant un sourire au Florentin.
    Celui-ci, malheureusement, ne l’entendit pas ainsi. Il barra résolument la route.
    – Tu es bien fière, ma fille ! railla-t-il. Tu ne daignes pas dire bonjour aux anciens ?
    Chose bizarre, et qui redoubla le trouble de la jeune fille, Saêtta, en lui parlant, fixait avec insistance ses yeux ardents sur l’ouvrière, qui baissait le nez, ramenait sur son visage les fronces de sa vaste capeline.
    – Je ne suis pas fière, monsieur Saêtta, je vais livrer de l’ouvrage aux dames et je suis en retard… C’est pourquoi je vous prie de nous laisser passer, mon ouvrière et moi.
    Perrette dit cela doucement, mais avec fermeté. En même temps, elle voulut passer.
    – Un instant, que diable ! fit Saêtta en barrant de nouveau le passage. Tu as donc des ouvrières, maintenant ? Peste ! mes compliments, ma fille, te voilà donc patronne ?…
    Et se penchant sur elle, de son air le plus sérieux, mais avec une lueur malicieuse au coin de l’œil :
    – Ah ! c’est là ton ouvrière !…
Per Bacco !
sais-tu que, pour une fille sage comme toi, il est compromettant de se montrer avec une pareille ouvrière ?… Au moins devrais-tu lui demander de sacrifier cette coquine de moustache qui pointe là… bien malencontreusement.
    Perrette demeura muette de saisissement. Son ouvrière rabattit une seconde l’écharpe qui lui couvrait le bas du visage, et Saêtta, stupéfait de reconnaître Jehan le Brave, s’écria :
    – Comment, c’est toi, mon fils !…
    – Ma petite Perrette, dit doucement Jehan, marche devant… J’ai besoin de dire deux mots à Saêtta.
    Docilement, Perrette obéit et poursuivit lentement son chemin. Jehan gronda :
    – Es-tu fou de m’arrêter ainsi ?… Puisque tu m’as reconnu, tu aurais pu penser que si je me promène ainsi accoutré, c’est que j’ai de bonnes raisons…
    – Mais je ne t’avais pas reconnu, dit Saêtta sincère. Ce bout de moustache qui dépassait m’avait intrigué… j’ai voulu savoir.
    – Eh bien ! gronda furieusement Jehan, en proie à une terrible colère froide, que veux-tu savoir ? Parle !… J’ai du temps à perdre, beaucoup de temps à perdre…
    Saêtta comprit parfaitement l’ironie de ses paroles. Il vit très bien dans quel état de fureur était Jehan. Mais il avait sans doute des raisons à lui de savoir ce que méditait celui qu’il appelait son fils. Il feignit de ne pas comprendre et vivement, en baissant la voix :
    – Une seconde ! que diable ! tu n’en mourras pas !… Alors, tu es sur la trace du…
    – Du trésor, oui !… Je touche au but !…
    – Et moi qui croyais que tu avais renoncé !… s’écria Saêtta. Jehan haussa rageusement les épaules :
    – Tu ne me connais donc pas… Il y a quinze jours, je suis venu rôder par ici… Ils me sont tombés une vingtaine dessus… Je ne sais pas comment je suis encore vivant !…

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