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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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de se produire dans la physionomie de son interlocuteur. Il crut naïvement qu’il hésitait à se présenter devant un grand seigneur tel que le duc d’Epernon – parce qu’il ne se croyait pas gentilhomme. Et comme c’était là une chose d’une importance capitale, à l’époque, il s’efforça de le rassurer en disant :
    – M. d’Epernon assure que le roi a déclaré devant ses intimes que vous êtes de très bonne maison et même de naissance illustre, paraît-il. La parole du roi ne saurait être mise en doute. En conséquence, monsieur mon père vous recevra avec tous les égards qu’on se doit entre gentilshommes.
    Et avec une superbe inconscience, il ajouta, comme argument décisif :
    – Voyons, est-ce que je vous traiterais comme je le fais, si je ne savais que vous êtes mon égal ?
    De tout ceci, Jehan n’avait retenu qu’une chose : c’est que le roi affirmait qu’il était de bonne maison. Le roi connaissait donc le secret de sa naissance ? Comment ? Depuis quand ? Une foule de points d’interrogation se posaient ainsi dans son esprit, tandis qu’il disait vivement :
    – M. d’Epernon sait-il qui je suis en réalité ?
    Non. Le roi n’en a pas dit plus long. Allons, venez. N’oubliez pas que monsieur mon père est colonel-général de l’infanterie et qu’il a un crédit suffisant pour contrebalancer l’influence de ceux qui vont s’acharner après vous. Il cherche des hommes résolus. Ceux de votre trempe sont rares. Croyez-moi, il sera heureux de vous attacher à sa maison et il obtiendra votre grâce.
    Jehan le Brave réfléchit :
    « Pardieu, qu’est-ce que je risque, après tout ? C’est peut-être la fortune qui se présente ?… Et puisqu’il y a quelque part des gens qui savent qui je suis… je les trouverai, ventre-veau !… et il faudra bien qu’ils vident leur sac. »
    Et tout haut, d’un air de souveraine condescendance, comme s’il accordait une faveur :
    – Eh bien ! soit, allons !
    Le comte de Candale était trop jeune, ou d’esprit trop superficiel, pour saisir certaines nuances. Ainsi qu’il l’avait dit naïvement lui-même, il ne s’était souvenu qu’il devait la vie à Jehan le Brave que depuis qu’il savait que le roi déclarait cet aventurier de bonne famille et paraissait avoir une certaine estime pour lui. Fils de courtisan, le comte était né courtisan. Il flairait d’instinct d’où venait le vent et il le suivait. C’était là tout le secret de l’amabilité qu’il venait de montrer. Et Jehan le comprit fort bien. D’ailleurs, il se trahit une fois de plus, en disant :
    – Venez ! Je vous réponds que vous serez bien accueilli et je suis sûr que M. d’Epernon me remerciera de lui avoir amené une recrue de votre valeur.
    Et prenant le bras de Jehan, il l’entraîna dans la rue de Grenelle. Comme ils traversaient la rue Coquillière, qui séparait la rue de Grenelle de la rue de la Plâtrière, Jehan se retourna. Le carrosse et son escorte étaient à une centaine de pas derrière et semblaient suivre la même direction qu’eux.
    A cette vue, il eut un sourire qui eût inquiété les gentilshommes de Concini, s’ils avaient pu le voir. Mais Longval, Eynaus et Roquetaille ne songeaient guère au truand Jehan le Brave, qu’ils croyaient enseveli sous les décombres du gibet de Montmartre.
    q

Chapitre 20
    L ’hôtel d’Epernon avait son entrée principale rue de la Plâtrière. Il occupait une partie de cette rue et de la rue Breneuse. Les jardins s’étendaient, sur le derrière, jusqu’à la rue Coq-Héron. L’ancien mignon tenait une manière de cour et aussi une garnison.
    En effet, il avait à sa solde plusieurs centaines de gentilshommes, dont beaucoup habitaient l’hôtel. En outre, comme il était colonel-général de l’infanterie, une foule d’officiers de tous grades venaient à l’ordre, là, et encombraient ses antichambres. Sans compter tout ce qu’il y avait de cadets dans Paris, en quête d’un emploi ou d’un engagement. Plus, bien entendu, la tourbe des solliciteurs de toutes sortes qui se faufilaient là comme ils le faisaient dans toute demeure de puissant personnage.
    Sous la porte cochère, grande ouverte, Jehan remarqua que c’était là un va-et-vient incessant de gens affairés, les uns entrant, les autres sortant. Ceux-ci montés, ceux-là à pied. Dans la cour d’honneur, c’était une véritable cohue : gentilshommes, officiers, soldats, escortes,

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