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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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fortunée. Ma médiocrité ne me pèse pas. Loin de là, elle m’est chère et précieuse. Je me trouve très heureuse comme je suis et ne demande qu’une grâce, c’est de demeurer toujours dans la même situation.
    Ebahi, décontenancé, Henri songeait :
    – Quelle diable de fille est-ce là ?… Je lui offre la fortune, une fortune qui éblouirait les plus riches et les plus puissants, et elle ne manifeste que terreur et désespoir.
    Et tout haut, montrant le mobilier très modeste :
    – Mais, c’est la misère, ici ! Je vous offre un hôtel à vous. Vous aurez une maison montée comme une princesse, une nuée de laquais, femmes de chambre, écuyers, pages, dames de service, gentilshommes… Cent mille livres de rentes perpétuelles, un titre, marquise, par exemple, en attendant que je vous marie à quelque prince que nous choisirons jeune, brave et beau. Songez à ce que je vous offre. Réfléchissez avant de dire non.
    Avec une sorte de colère, elle s’écria :
    – Je ne veux rien, ni titres, ni rentes, ni mari !… Je ne demande qu’une chose : demeurer comme je suis. Les joyaux de ma mère constituent une petite fortune. Mon domaine de Saugis me rapporte bon an mal an deux mille livres de rentes. Je suis riche, Sire. Je ne dépense même pas mes revenus et les pauvres ont une part supérieure à celle que je me réserve. Je n’ai pas besoin de réfléchir… il y a des années que j’ai réfléchi à ce que je ferais si l’éventualité actuelle se présentait. Je vous supplie humblement mais fermement de m’oublier, de me laisser telle que je suis. Ma gratitude envers vous sera infinie si vous m’accordez cette grâce.
    – Jarnidieu ! c’est de la folie !… Et tout cela parce que vous avez rencontré un aventurier !…
    La jeune fille se redressa. Son gracieux visage prit une expression de fermeté qui allait presque jusqu’à la dureté, et froidement :
    – J’ai eu l’honneur de demander au roi ce qu’il compte faire à l’égard de ce jeune homme qu’il qualifie d’aventurier ?
    Une lueur malicieuse passa dans l’œil rusé du Béarnais, qui, sans doute, avait déjà résolu la question dans son esprit.
    – Savez-vous de quel crime il s’est rendu coupable ? dit-il négligemment, en observant sa fille.
    Bertille pâlit légèrement, mais néanmoins répondit d’une voix ferme :
    – Oui. On appelle cela crime de lèse-majesté !
    – Eh bien, il subira la peine que comporte ce crime.
    La jeune fille pâlit davantage encore. Mais sa voix garda la même fermeté et il sembla même au roi qu’il y avait comme une intention menaçante dans la manière dont elle dit :
    – Ceci est bien irrévocable ? Rien ne pourra vous faire revenir sur cette résolution ?
    – Rien ! dit froidement le roi. Et, en lui-même, il ajouta :
    – Jarnidieu ! Je suis curieux de voir ce qu’elle va faire.
    Maintenant, Bertille était livide. Mais, chose étrange, elle gardait malgré tout un calme extraordinaire. Elle se leva, et toute droite devant son père, le regardant droit dans les yeux, elle dit d’une voix qui n’implorait pas, une voix morne, lasse, brisée :
    – Sire, c’est la fille de Blanche de Saugis qui vous demande grâce pour celui qu’elle aime. La fille de Blanche de Saugis, entendez-vous bien, Sire ?
    Henri, devant cet air solennel, eut une imperceptible hésitation. Mais il avait résolu de pousser la jeune fille à bout, et glacial, sur un ton qui n’admettait pas de réplique, il trancha :
    – Blanche de Saugis elle-même surgirait de son tombeau pour implorer cette grâce que je dirais encore : Non !
    Bertille secoua doucement la tête comme si elle eût voulu dire : c’est bien ! je m’y attendais ! Et tout haut :
    – Dieu m’est témoin, Sire, que je voulais vous éviter la honte de fouiller le passé, la honte plus terrible encore d’élucider le présent…
    – Que voulez-vous dire ? interrogea Henri, vaguement inquiet.
    – Vous le saurez bientôt… Si j’étais seule en cause je me serais tue… vous le savez. Mais c’est celui que j’aime que vous menacez, vous !… Je parlerai donc. Et si ce que j’ai à dire vous écrase de honte, ne vous en prenez qu’à vous-même. C’est vous qui l’aurez voulu.
    – Que de grands mots dans une si petite bouche, railla Henri qui commençait à regretter sa curiosité.
    Dédaigneuse de l’interruption, Bertille commença :
    – Voici seize ans de cela, un homme,

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