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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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plaisir, raides comme à la parade, et il ébaucha un sourire. Dans un geste de souveraine nonchalance, il allongea le bras, prit dans un tiroir une poignée de pièces d’or et la laissa tomber sur la table, en une cascade rutilante, devant les trois braves éblouis, béats d’admiration. En même temps, il disait :
    – Allons, j’ai été un peu rude avec vous. Voici pour vous faire oublier cette rudesse.
    Concini était habituellement généreux. Cette fois, il se montrait plus que généreux. Il y avait bien cent pistoles, pour le moins, étalées sur la table. Elles n’y demeurèrent pas longtemps. Trois griffes, larges et velues, s’abattirent sur le tas, le fractionnèrent en parts égales et le firent disparaître en un clin d’œil, en même temps que les gorges émettaient des grognements sourds : remerciements inarticulés, témoignages de jubilation intense.
    – Et maintenant, fit Concini, lorsqu’il vit que l’opération était terminée, parlons un peu de notre affaire.
    – L’expédition tient toujours ?
    – Plus que jamais !… A moins que la rue ne soit encore gardée.
    – La voie est libre, monseigneur. Tout est redevenu calme, silencieux, comme s’il n’y avait pas eu la moindre échauffourée.
    – Nous sommes prêts.
    – Allons !
    Concini se leva brusquement. Il prit une bourse gonflée de pièces d’or et la mit dans sa poche, un masque de velours noir qu’il attacha à sa ceinture, à côté de la dague, s’enveloppa soigneusement dans les plis d’un vaste manteau sombre et sortit d’un pas décidé, sans ajouter une parole.
    Les trois le suivirent.
    Dans la rue, après avoir jeté à droite et à gauche un coup d’œil perçant, il se dirigea résolument vers la rue de l’Arbre-Sec, suivi, à trois pas, par ses hommes.
    Ils n’avaient pas fait vingt pas qu’une ombre, se détachant d’une encoignure, se mit à les suivre de loin.
    Ils arrivèrent devant le logis de Bertille, sans avoir rencontré âme qui vive. Les trois braves rejoignirent leur maître devant le perron, et remarquant alors ce qui leur avait échappé lors de leur passage rapide, ils le montrèrent triomphalement à Concini en laissant tomber à voix basse :
    – Du sang ! C’étaient, en effet, les traces de la lutte soutenue par Jehan le Brave et Pardaillan contre les archers de Neuvy. Les trois compères s’empressaient d’attirer l’attention de Concini sur ces traces, preuve évidente de leur bonne foi, au cas où il aurait gardé quelques doutes sur la véracité de leur rapport.
    Mais Concini n’avait pas de raison de douter. Il considéra un instant, d’un air rêveur, les flaques sanglantes, les éclaboussures qui souillaient les marches blanches, le sol foulé par le piétinement d’une troupe nombreuse, et avec un geste d’insouciance, il passa et entra dans le cul-de-sac Courbâton.
    Au fond de l’impasse, contre le mur, se profilait une masse d’ombre plus compacte que l’ombre environnante. Un homme se détacha et s’approchant :
    – Monseigneur, dit-il en se courbant, la litière est là.
    Concini eut un geste impérieux. L’homme, qui avait sans doute reçu des instructions préalables, se courba davantage et fila rapidement, sans se retourner. Dans la rue de l’Arbre-Sec, cet homme croisa l’espion qui s’était attaché aux pas de Concini et qui, présentement, contemplait à son tour, et avec une singulière attention, les traces de la lutte. Sans s’arrêter, l’homme laissa tomber en passant quelques brèves paroles et il continua son chemin jusqu’à la rue Saint-Honoré, et là, tournant à droite, il entra dans la maison de Concini.
    Quant à l’espion, il jeta un coup d’œil railleur sur le balcon de Bertille, et dressant vers la lucarne de Jehan le Brave une face convulsée par la haine, il grinça dans la nuit :
    – Adieu les rêves d’amour, ma gente tourterelle !… Votre tourtereau, à l’heure qu’il est, se débat vainement dans le filet que je lui ai tendu… Vous pourrez le revoir… sur la place de Grève… le jour prochain où le bourreau tenaillera sa poitrine pantelante et où quatre chevaux trapus déchireront ses membres robustes pour les disperser aux quatre coins de la ville.
    Il s’éloigna d’un pas souple et silencieux, et tout en marchant il grognait :
    – Moi, je n’aurai garde de manquer un aussi agréable spectacle… Pauvre de moi ! Il y a des années, de longues années que je vis dans

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