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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ressemblait si peu à son rêve. Il l’avait habillé aux couleurs de ses héros préférés et il découvrait que ce n’était, au fond, qu’un officier comme les autres, moins beau que Lauzun, moins sympathique que Noailles et moins fascinant que Rochambeau. Mais c’était encore sa voix qu’il aimait le moins.
    On n’entendait qu’elle, cette voix quand Gilles pénétra dans le vestibule car elle paraissait emplir toute la maison, atteignant même un fausset qui lui parut difficilement supportable. On y sentait une impatience que le respect n’atténuait qu’à peine et, même en y mettant de la bonne volonté, il était impossible de ne pas entendre ce qu’elle disait.
    — La situation des forces américaines est la suivante : elles sont divisées en trois corps principaux : l’un, commandé par le général Gates, est en opérations dans la Caroline du Sud et assez malmené, le second est placé sous les ordres du général Benedict Arnold, le vainqueur de Saratoga, qui commande au fort de West Point et assure ainsi la garde de la vallée de l’Hudson. Quant au troisième, le plus important car il compte environ 6 000 hommes, plus autant de milices passables, c’est celui que commande le général Washington. Il tient les jerseys et il cherche à dégager New York. Je pense que votre devoir, Messieurs, est tout tracé : il vous faut vous porter sans tarder sur cette dernière ville et…
    La voix grave du général en chef parvint à dominer la situation.
    — Je n’ai, mon cher marquis, d’autre devoir que 
    d’obéir aux ordres que voudra bien me donner le général Washington. M’apportez-vous ces ordres ?
    — Évidemment non. Je n’ai pas d’ordres exprès. Le général Washington souhaite que je prenne contact avec vous, que je constate le degré de puissance que vous nous amenez, que je m’assure…
    — Alors, je pense que vous avez pu vous assurer de ceci : la flotte anglaise nous bloque dans cette baie. L’attaquer serait folie car notre puissance de feu est par trop inférieure. D’autre part, le voyage trop long nous a valu de nombreux malades que nous devons remettre sur pied et qu’il est impossible d’abandonner. Enfin, je pense que la première chose à faire est de relever les fortifications de Rhode Island sinon à peine aurons-nous tourné le dos que les Anglais s’en empareront… et tout sera à recommencer…
    — Cependant…
    Pensant qu’il en avait suffisamment entendu et qu’il pouvait être surpris en train d’écouter aux portes ou presque, Gilles frappa doucement et pénétra dans la pièce où se tenait un conseil de guerre restreint. Il vit La Fayette dressé comme un jeune coq en face de Rochambeau, massif et froid, le chevalier de Ternay assis dans un fauteuil, tapotant du bout de sa canne le bout de son soulier, le major de Gimat, aide de camp de La Fayette qui se faisait petit auprès d’une fenêtre et enfin Lauzun, bras croisés sur la poitrine, l’œil en bataille, brillant comme une escarboucle et allant incessamment de l’un à l’autre des deux hommes en présence. Celui-là rêvait visiblement d’en découdre.
    L’entrée du jeune homme lui fit froncer les sourcils et comme celui-ci, après avoir salué réglementairement, se dirigeait vers sa table habituelle, il eut un geste d’impatience et protesta.
    — Messieurs, nous débattons ici d’affaires de la plus haute importance où les subalternes n’ont rien à voir. La présence de ce garçon me paraît superflue car le secret de nos opérations ne doit pas être celui de n’importe qui.
    Gilles rougit de colère et, instinctivement, porta la main à la garde de son épée. L’animosité du jeune duc envers lui n’avait pas désarmé durant la longue traversée. Et, depuis que l’on était à terre, Lauzun ne manquait pas une occasion de faire sentir au jeune secrétaire un dédain et une hostilité flagrants. L’amitié que lui portait Fersen n’avait rien arrangé : depuis Versailles, une sourde rivalité opposait les deux gentilshommes, une rivalité dont le centre était… la reine de France.
    Mais l’intervention de Lauzun n’avait pas été du 
    goût de Rochambeau qui, glacial, toisa le jeune duc.
    — Quelle mouche vous pique, Monsieur ? Prétendez-vous m’apprendre quand je dois user ou ne pas user de mon secrétaire ? Je désire dicter une lettre au général Washington et, à moins que vous ne daignassiez consentir à prendre vous-même la

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