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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ne faillit pas d’outrager notre homme au plus
vif, et il conçut aussitôt un projet à l’aune de sa sottise. Il rassemblerait
autour de lui des mécontents et, le moment venu, tuerait le cardinal Mazarin,
puisque c’était de toute évidence à cause de ce funeste Italien que la reine
lui avait refusé les hautes fonctions qui lui étaient dues par sa naissance et
ses talents.
    Comme il fallait s’y attendre, il tissa son fil trop
lentement et avec trop de complices. Depuis que je hante la Cour, je n’ai vu
qu’un seul complot qui soit arrivé à ses fins : celui qui aboutit à la
mort de l’infâme Concini. Et d’évidence, son succès était dû au petit nombre
des conjurés et au fait qu’il ne leur fallut que deux ou trois rencontres
secrètes avant de passer à l’acte.
    Dans ce genre d’affaire, c’est le secret et la rapidité qui
font tout. Beaufort agit tout au rebours. Il s’efforça de gagner à sa cause le
plus de monde possible, tant est que, multipliant les conjurés et les
conciliabules, il ne pouvait que perdre le secret de son entreprise. Il n’est
pas jusqu’à nos pimpésouées de cour qui, observant les airs graves des conjurés
et leurs mystérieux conciliabules, se mirent à les dauber en les surnommant les Importants.
    Beaufort, dans son peu de jugeote, commit une autre erreur.
Il admit parmi ses conjurés la duchesse de Chevreuse qui était connue urbi
et orbi comme la reine des intrigantes, et à ce point que Louis XIII
et Richelieu, qui l’auraient volontiers livrée à l’épée du bourreau si elle
n’avait été une femme, l’avaient exilée. La duchesse de Chevreuse était en
effet sans scrupule ni vergogne. Elle n’hésitait pas à user de ses charmes pour
détourner un ministre de ses devoirs envers le roi. En fin de compte, le roi et
le Richelieu l’exilèrent en une lointaine province où elle fut fort surveillée
de jour comme de nuit. Par malheur, quand Louis XIII mourut, Anne
d’Autriche, qui était fort entichée de la pimprenelle, parce qu’elle était gaie
et dévergognée en ses amoureuses réminiscences, la rappela à sa Cour, où, comme
on a vu, elle se jeta sans tant languir dans une nouvelle intrigue où elle
avait tout à perdre et rien à gagner.
    Cependant, ce ne fut pas pour les beaux yeux de la Chevreuse
que Monsieur de Beaufort fomenta la cabale des Importants, mais pour ceux d’une
autre dame : la duchesse de Montbazon, laquelle faisait partie du cercle
intime de la régente. Cette dame était belle comme les amours. Mais cet aspect
trompait le monde. Sa langue était vipérine. Dieu sait pourquoi, elle haïssait
la princesse de Condé, répandant sur elle, jour après jour, des flots de
calomnie, lesquels, à la parfin, lassèrent la reine : elle chassa la
vipère de sa Cour. C’est alors que Beaufort résolut de tuer Mazarin, qui non
seulement avait le tort d’être Italien, mais d’être, à ce que la Cour disait,
un ami très proche de la reine. Il ne se peut que le lecteur ne se ramentoive
que les mérangeoises de Beaufort étaient fort limitées, tant est qu’il ne
pouvait concevoir que des idées simples. En l’occurrence, voici comment il
raisonna : « La reine a chassé ma maîtresse, moi je lui tue son
favori. »
    Mazarin m’apprit toute l’histoire du complot dès le quatre
septembre 1643 dans son nouvel appartement qui n’était plus au Louvre, mais
dans le palais du cardinal de Richelieu, Anne d’Autriche l’ayant choisi pour sa
résidence à Paris, parce que le palais était plus neuf, plus luxueux et plus
gai que le Louvre. Par bonheur, la princesse de Guéméné qui appartenait elle
aussi au cercle intime de la reine y eut comme au Louvre une chambre, tant est
que je pus la visiter chaque fois que je devais encontrer Mazarin.
    Mazarin, ce quatre septembre, m’accueillit, comme toujours,
avec sa gentilezza italiana, et me conta le complot de Beaufort, ce qui
m’étonna fort, mais bien plus ce qui suivit.
    — Et savez-vous, duc, conclut Mazarin, par qui j’ai
appris le complot qui devait mettre fin à ma terrestre vie ?
    — Nenni, Monseigneur.
    — Par une chambrière qui fait partie du domestique de
la duchesse de Montbazon, et qui d’évidence aima mieux servir la couronne que sa
maîtresse. D’après ce que dit cette caillette, elle vous connaît fort bien
ainsi que Monsieur de Guron et le chanoine Fogacer. Est-ce la vérité ou
vanterie ?
    — C’est vérité.
    — Et elle se

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