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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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est hébergé, et d’ailleurs outrageusement gâté, par
les sœurs de la Visitation, de sorte que c’est chez nous que devait se tenir
cette discrète rencontre. Et dites-vous que, recevant cette rediseuse chez
vous, vous vous associez à cette entreprise et rendez un grand service au jeune
roi et à la régente. »
    Je mis beaucoup de chaleur dans ce discours, et à l’accueil
que lui fit ma Catherine, qui sans s’excuser le moins du monde (ce qui était
contraire à sa philosophie) me fit entendre qu’elle consentait à recevoir
« cette personne », appellation qui était déjà en grand progrès sur
la « putain cramante », et elle ajouta qu’elle ne ferait aucune
différence entre ladite personne et le reste de nos invités.
    La présence des valets qui servaient nous obligea à garder
bouche cousue à table, et ce ne fut qu’après la repue, Catherine s’éclipsant et
nous-mêmes nous retirant dans le cabinet, que nous commençâmes à ouvrir le bec
sur le projet qui nous rassemblait.
    — Clairette… dis-je à la Zocoli qui aimait être appelée
de son prénom de jeune fille, ayant horreur du nom que son mari lui avait donné
et qui lui collait à la peau, même après qu’ils se furent à la parfin séparés,
du fait qu’elle aimait trop les hommes, et lui aussi.
    Comme tous se taisaient, la Zocoli sans tant languir vint à
notre rescousse et dit :
    — Vous vouliez sans doute quérir de moi, Monseigneur,
comment je suis devenue rediseuse.
    — La grand merci, m’amie, dis-je. Poursuis, Claire.
Dis-nous tout à tract ce qu’il en est.
    Étant née sur le pavé de la capitale, la Zocoli avait
l’accent pointu et précipiteux de Paris qui m’a toujours titillé. De plus, elle
avait bon bec, la réplique vive, parfois au bord de l’impertinence, mais jamais
sans tomber dans la méchantise tant elle avait chevillé au cœur l’amour des
autres.
    — Je servais à ce moment-là, dit-elle, comme chambrière
chez un Grand [37] , lequel était fort ennemi de
Monsieur le cardinal. Et un jour, tandis que je me confessais, je répétai ces
propos à mon confesseur, lequel me proposa de répéter les propos de son maître
au cardinal si j’y consentais, et aussi les noms de ceux qui conciabulaient
avec lui. Pour ce travail, qui me parut fort simple, que j’aurais de toute
façon fait gratis, le confesseur me proposa cinq sols par jour.
    Vous avez peu de doute, lecteur, sur la personne qui était
son confesseur.
    — Cinq sols par jour ! Voilà qui est
plaisant ! dit Monsieur de Guron en tambourinant des deux mains sur sa
bedondaine (objet de tous ses soins). Mais cinq sols par jour, c’est tout
justement la solde d’un soldat.
    — Mais nous sommes des soldats, dit vivement la Zocoli.
Et comme les soldats nous avons nos armes : l’oreille pour ouïr et la
langue pour redire. Ce qui ne va pas non plus sans péril.
    — Et chez qui présentement travaillez-vous ?
demanda Monsieur de Guron.
    — Monsieur le Comte, dit vivement Fogacer, il n’est
peut-être pas opportun de poser meshui cette question. La réponse sera donnée
dès que la redisance sera recomposée, puisque c’est Monsieur le duc d’Orbieu ou
vous-même qui devez la mettre par écrit et la transmettre à Sa Majesté.
    Preuve qu’on ne peut jamais tout cacher. Fogacer avait caché
le nom de l’espionné, mais en même temps il avait dévoilé que le recruteur et
régent des rediseuses c’était lui. Quant au nom du quidam espionné, même avant
que la Zocoli nous l’eût soufflé, je connaissais ses préférences. C’était
Monsieur de Mesmes, membre du Parlement, qui déjà du vivant de Louis XIII
avait à deux reprises essayé d’empiéter sur le pouvoir du roi et s’était fait
rudement rabrouer par Sa Majesté. Il est évident que le Parlement et Monsieur
de Mesmes ne pouvaient faire cette fois-ci qu’une petite guerre mais quasiment
ouverte contre le pouvoir royal, à seule fin de le partager.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, je suis étonnée. Vous me parlez des
rediseuses, mais non des rediseurs. Je suppose néanmoins que le pouvoir
utilisait aussi des hommes à ces basses besognes.
    — Madame, permettez-moi de vous rebiquer quelque peu.
Une besogne qui sert les intérêts du roi ne peut être tenue pour basse.
    — Monsieur, expliquez-moi pourquoi il y a ce jour d’hui
en ce royaume tant de mésaise et de tracassement.
    — Parce qu’une guerre si longue, et qui du reste dure
encore, a exigé

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