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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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se remettra à comploter de la pique du jour aux nuiteuses étoiles.
L’intrigue est son milieu naturel. Elle y barbote comme le canard dans sa mare.
    — Et comment trouvez-vous la punition des factieux dans
la présente affaire ?
    — Opportune, mais un peu faible. Richelieu aurait
enlevé à Beaufort le peu de jugeote qui lui reste en lui coupant la tête. Mais
ces rudes manières ne conviennent ni à la reine, ni à Mazarin. La reine a le
cœur trop tendre et Mazarin ne renonce pas volontiers à sa gentilezza italienne.
    Mon regard tombant alors sur le Descartes qu’elle avait
déposé sur son chevet à mon entrant, je lui dis :
    — Ainsi, m’amie, vous lisez Descartes. L’avez-vous dit
à votre confesseur ?
    — L’eussé-je dû ?
    — Assurément. Vous savez, bien sûr, l’ayant lu, que
Descartes, apôtre du doute méthodique, ne tient pour vrai que ce qui lui paraît
incontestablement être tel.
    — Eh bien, m’ami, je ne vois pas ce qu’il y a de
suspect dans cette phrase.
    — Vous, non. Mais les jésuites, si.
    — Et où diantre est le diable là-dedans ?
    — Si vous ne tenez pour vrai que ce qui vous paraît
incontestablement être tel, vous pourriez mettre en doute par exemple la
résurrection des corps.
    — Et Descartes l’a mise en doute ?
    — Il s’en est bien gardé.
    — Serait-il cependant suspect ?
    — Il doit avoir quelques raisons de se sentir tel, car
depuis 1629 il vit en Hollande, terre bénie où, comme vous savez, on peut
penser ce qu’on veut et dire ce qu’on veut, sans être jamais inquiété !
     
    *
    * *
     
    Le lendemain, à la pique du jour, j’appelai mon vas-y-dire.
    — Dois-je lui bailler une tartine, Monseigneur ?
me demanda Mariette de prime. Où irais-je si chaque fois qu’une chambrière
faisait un lit, elle me quérait une tartine ? Dieu bon, suis-je une
tartineuse ou une cuisinière ?
    — Tu es une très bonne cuisinière, Mariette, dis-je en
lui tapotant l’épaule du plat de la main, faveur qu’elle devait à son âge, car
Catherine n’aurait pas toléré cette amicale caresse sur une épaule plus jeune.
    Et j’ajoutai : « Mon père a eu bon goût de te
choisir, Mariette, et moi de te garder. » Sur quoi, sans tant languir, je
la quittai, car chaque fois que je lui parlais de mon père les larmes lui
coulaient sur les joues, grosses comme des pois.
    Tartine fut très heureux d’avoir à courre Paris par un temps
clair, sec et sans froidure, car il aimait se montrer avec la livrée à mes
armes, escorté par deux de mes Suisses, et baillant œillade fière, enjôleuse et
piaffante, à toute mignote encontrée en chemin. En outre, il aimait fort les
personnes qu’il allait inviter pour moi à la repue de midi : Fogacer et
son petit clerc, Monsieur de Guron et sa Zocoli.
    Venus dans la même carrosse – initiative due à la
gentillesse de Monsieur de Guron – nos invités apparurent à midi et demi, ce
retard étant dû aux encombrements de Paris qui, comme on sait, dépassent
l’imagination, et sont dus non seulement à l’étroitesse des rues, mais au
caractère escalabreux des cochers qui s’en prennent violemment et longuement à
leurs congénères pour des querelles de néant.
    Dès que le maggiordomo leur eut déclos notre huis,
Catherine accueillit nos invités avec une amicale chaleur, mais tout se gâta
quand elle aperçut la Zocoli. Elle me tira vivement à part, tandis que le maggiordomo plaçait nos hôtes à table et, l’œil étincelant, me demanda d’une voix
trémulante ce que faisait céans, dans sa maison, et à sa table, cette
gouge ! cette loudière ! cette ribaude ! cette putain
cramante ! Je la serrai avec force dans mes bras, lui fermai la bouche de
prime par un violent baiser, et quand elle fut quelque peu apaisée je lui dis à
l’oreille : « Mon petit belon, cette personne, qui n’a pas, en effet,
très bon genre, mais le bon genre ne serait pas de mise dans son métier, est
une rediseuse, et elle excelle dans ce difficile et périlleux métier. Elle a
rendu à Richelieu de fort grands services dans le moment où la défunte
reine-mère travaillait à sa destruction. Quant à Monsieur de Guron, Fogacer et
moi qui la connaissons bien, nous devons recourir à elle et à ses semblables
sur l’ordre de Mazarin. Et comme première rencontre, cela ne pouvait se faire
que très à la discrétion, c’est-à-dire chez l’un de nous. Or, Monsieur de Guron
est sans cuisinier, Fogacer

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