Le grand voyage
sagaies.
Ayla et Jondalar visaient d’assez loin pour éviter une charge
inattendue et choisir leur victime sans risque. C’était presque trop facile,
bien qu’ils dussent viser juste et lancer avec assez de force pour traverser l’épaisse
toison.
Avec un tel choix, ils ne manquaient pas de viande et souvent,
même, étaient contraints d’abandonner les bas morceaux aux carnassiers et aux
charognards. Bien qu’il fût copieux, leur régime de viande maigre, riche en
protéines, les laissait souvent sur leur faim. L’écorce et des infusions d’aiguilles
de pin n’amélioraient guère leur ordinaire.
Les humains, omnivores, avaient besoin d’une alimentation
diversifiée et les protéines, bien qu’essentielles, n’étaient pas suffisamment
nutritives. Certains mouraient de carence alimentaire par manque de nourriture
végétale ou de graisse. Or, à la fin de l’hiver, les animaux avaient déjà brûlé
l’essentiel de leurs réserves de graisse. Les deux voyageurs choisissaient donc
les morceaux de viande et les viscères qui contenaient le plus de graisse et
donnaient le reste à Loup, ou l’abandonnaient aux charognards. Et Loup se
débrouillait seul pour trouver le complément nécessaire.
Ils rencontraient souvent des chevaux, mais Ayla et Jondalar ne
pouvaient se résoudre à les tuer. Whinney et Rapide, quant à eux, trouvaient
une nourriture abondante avec l’herbe sèche, les mousses, les lichens, et
mangeaient aussi de petites brindilles et de fines écorces.
Ayla et Jondalar longèrent la rivière qui obliquait
légèrement vers le nord. Lorsqu’elle tourna vers le sud-ouest, Jondalar sut qu’ils
approchaient. La dépression située entre l’ancien massif septentrional et la
chaîne méridionale s’éleva vers un paysage sauvage où affleuraient des rochers
escarpés. Ils arrivèrent à l’endroit où trois gros torrents se rejoignaient
pour former les débuts apparents de la Grande Rivière Mère. Ils traversèrent et
suivirent la rive gauche du torrent central, celui qu’on appelait la Moyenne
Mère, considéré, ainsi qu’on l’avait expliqué à Jondalar, comme la véritable
Rivière Mère, bien qu’en fait les trois cours d’eau eussent pu prétendre à
cette appellation.
Ayla ne put cacher sa déception. Elle s’était attendue à mieux
de la part d’un fleuve si majestueux. Ainsi, la Grande Rivière Mère ne
jaillissait pas d’un point précis. Elle n’avait pas de début, et même les
frontières du nord en territoire de Têtes Plates étaient floues, mais Jondalar
paraissait reconnaître la région. Il pensait que le bord du glacier était
proche bien que la neige recouvrît le sol depuis quelque temps, et en
dissimulât la limite.
Il était encore tôt dans l’après-midi quand ils décidèrent d’installer
leur campement. Ils trouvèrent un endroit propice au-delà d’un cours d’eau qui
dévalait du nord et se jetait dans le torrent supérieur.
Ayla s’arrêta sur un banc de galets et ramassa quelques pierres
rondes, parfaites pour sa fronde. Elle se proposait de chasser le lagopède ou
le lièvre blanc un peu plus tard, ou le lendemain matin.
Les souvenirs de leur court séjour chez les Losadunaï s’estompaient
déjà, remplacés par une inquiétude croissante. Jondalar, surtout, était
préoccupé. Ils progressaient moins vite qu’il ne l’avait prévu, et il craignait
l’arrivée prochaine du printemps. On ne pouvait jamais prévoir la fin de l’hiver,
mais il espérait qu’elle serait tardive cette année.
Ils déchargèrent les chevaux, installèrent leur campement, et
comme il était encore tôt, allèrent chasser. Dans un petit bois, ils
remarquèrent des traces de cerf. Cette découverte surprit Ayla et inquiéta
Jondalar. Il craignait que le retour des cerfs annonçât le printemps. Ayla
ordonna à Loup de la suivre pour éviter qu’il n’attaque intempestivement leur
proie.
La piste conduisait à travers bois à un affleurement proéminent
qui leur bouchait la vue. Ayla remarqua une modification dans la démarche de
Jondalar, ses épaules s’affaissèrent, son pas se fit plus léger, et en comprit
la cause lorsqu’elle vit que les empreintes du cerf indiquaient qu’il avait
soudain bondi, effrayé.
Le grognement de Loup les avertit d’un danger. Ils avaient fini
par se fier à son instinct, et se figèrent immédiatement. Ayla aurait juré
avoir entendu les échos d’une bagarre se déroulant de l’autre côté de
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