Le grand voyage
indispensables. Nous avons au moins une bonne
raison de nous réjouir.
— Ah oui, laquelle ?
— Une fois de l’autre côté, tout deviendra facile.
Le cours supérieur de la rivière traversa les contreforts de la
chaîne de montagnes méridionale, dont les voyageurs n’imaginaient pas l’étendue.
Les Losadunaï vivaient au sud de la Grande Mère, dans la région plus vallonnée
d’un massif calcaire aux vastes plateaux. Érodées au cours des siècles par les
eaux et les vents, ces montagnes restaient assez élevées pour supporter des
couronnes de glace éternelle. Entre la Grande Mère et les montagnes s’étendait
une végétation dormante qui recouvrait une formation détritique. Le tout était
caché sous un léger manteau de neige qui eût rendu invisibles les abords gelés
de la rivière, si le miroitement bleuté n’avait révélé leur contour.
Plus au sud, scintillant au soleil comme des tessons d’albâtre,
les pics escarpés de la crête centrale, sorte de chaîne indépendante du
gigantesque massif, dressaient leurs sommets au-dessus des montagnes les plus
hautes. Les deux voyageurs poursuivaient leur escalade sous la surveillance de
deux pics jumeaux qui dominaient la crête centrale des montagnes méridionales.
Au nord, de l’autre côté de la rivière, l’ancien massif
cristallin s’élevait abruptement, surface moutonneuse parfois surmontée de pics
rocheux entre lesquels s’étendaient des prairies. A l’ouest, des mamelons plus
élevés, certains couronnés de glace, rejoignaient le plissement de terrain plus
récent de la chaîne méridionale.
La neige poudreuse tombait plus rarement à mesure qu’ils approchaient
de la partie la plus froide du continent, la région comprise entre l’avancée
des montagnes glacées et l’extrémité méridionale des immenses couches de glace
du nord. Même le vent coupant des steppes orientales n’atteignait pas la
férocité du vent glacial qui régnait dans ces lieux. Seule l’influence maritime
sauvait le pays des glaces envahissantes.
Le glacier qu’ils avaient l’intention de traverser serait devenu
une gigantesque étendue gelée sans l’adoucissement dû au climat océanique qui
limitait sa progression. L’influence maritime qui avait ménagé un passage vers
les steppes et les toundras occidentales avait également empêché le glacier
d’envahir les pays des Zelandonii, lui épargnant les lourdes couches de glace
qui recouvraient d’autres pays de même latitude.
Jondalar et Ayla retrouvèrent vite la routine du Voyage.
Ayla avait l’impression de ne s’être jamais arrêtée. Elle avait hâte d’atteindre
le but. Des souvenirs du Camp du Lion l’accompagnaient dans son cheminement
pénible à travers la monotonie du paysage hivernal. Elle se rappelait avec
plaisir les plus petits incidents, oubliant les épreuves qu’elle avait
supportées quand elle croyait que Jondalar ne l’aimait plus.
Ils devaient faire fondre la glace pour se procurer de l’eau
potable – la neige était inexistante, à part quelques congères – et
pourtant Ayla trouvait au moins un avantage au froid glacial : les
affluents de la Grande Mère étaient gelés et faciles à traverser. Mais ils
devaient se hâter de franchir les vallées des rivières, ou des torrents, pour
ne pas subir les morsures des vents qui s’y engouffraient, rendant l’air déjà
glacial encore plus froid.
Frissonnant malgré ses épaisses fourrures, Ayla atteignit avec
soulagement le côté de la vallée protégé par un flanc de colline.
— Je suis gelée ! s’exclama-t-elle en parvenant à l’abri.
Ah, s’il faisait un peu moins froid !
— Ne dis pas ça ! s’écria Jondalar d’un air anxieux.
— Pourquoi ?
— Nous devons être de l’autre côté du glacier avant le
redoux. Le vent chaud, c’est le fœhn, le fondeur de glace. C’est lui qui
annonce le changement de saison. S’il se mettait à souffler, nous serions
obligés de passer par le nord, à travers le territoire du Clan. C’est un grand
détour, et avec les ennuis que leur a causés Charoli, je ne crois pas qu’ils
nous accueilleraient à bras ouverts.
Ayla hocha la tête d’un air entendu et promena son regard de l’autre
côté de la rivière.
— Ils sont du meilleur côté, finit-elle par déclarer.
— Que veux-tu dire ?
— Même d’ici, on devine les bonnes prairies herbeuses. Cela
attire le gibier. Sur ce versant il n’y a que des pins
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