Le grand voyage
enfants. Il
lécha le visage du bébé, et pour la première fois, Micheri pleura, conscient du
départ de l’animal, lui aussi.
Mais en sortant de la caverne, une surprise encore plus grande
les attendait. Madenia avait revêtu le magnifique habit qu’Ayla lui avait
donné, et elle s’accrocha à la visiteuse en retenant ses larmes. Jondalar lui
dit qu’il la trouvait très belle, et il était sincère. Les superbes vêtements
lui donnaient une beauté peu ordinaire et soulignaient les lignes de la femme
qu’elle n’allait pas tarder à devenir.
En enfourchant les chevaux, reposés et impatients de partir, ils
jetèrent un dernier regard aux Losadunaï rassemblés autour de la caverne.
Madenia tranchait sur le groupe. Mais elle était encore jeune, et son visage
ruissela de larmes quand ils lui firent un ultime signe de la main.
— Je ne vous oublierai jamais, tous les deux, cria-t-elle
avant de s’enfuir dans la caverne.
En se dirigeant vers la Grande Rivière Mère, qui n’était plus qu’un
simple ruisseau, Ayla sut qu’elle non plus n’oublierait jamais Madenia, ni son
peuple. Les adieux avaient ému Jondalar, mais les difficultés qu’ils allaient
devoir affronter le préoccupaient. Il savait que la partie la plus dangereuse
de leur Voyage les attendait.
39
Ayla et Jondalar se dirigèrent au nord, vers la Grande Rivière
Mère qui les avait guidés pendant la majeure partie de leur long Voyage. Lorsqu’ils
l’atteignirent, ils obliquèrent vers l’ouest et remontèrent le courant. Le
fleuve avait changé de nature. Ce n’était plus l’immense cours d’eau aux
multiples méandres qui s’écoulait majestueusement à travers les vastes plaines,
grossi d’innombrables affluents dont les eaux tourbillonnantes charriaient des
quantités de limon fertile, le grand fleuve qui se séparait en de nombreux
chenaux, laissant derrière lui des bras morts grands comme des lacs.
Près de sa source, la Grande Rivière Mère ressemblait à un
torrent d’eau fraîche et peu profonde qui dévalait la montagne abrupte dans un
lit rocailleux. La route des deux voyageurs empruntait un chemin escarpé qui
les rapprochait de leur inévitable rendez-vous avec l’épaisse couche de glace
éternelle recouvrant l’immense plateau de la haute montagne dressée devant eux.
Le dessin des glaciers suivait les contours du paysage. Blocs de
glace taillés à coups de serpe sur les cimes, les glaciers des plateaux s’étalaient
comme des crêpes, d’une épaisseur uniforme, à peine plus haute au centre,
laissant derrière eux des rives de graviers et creusant des dépressions qui
deviendraient bientôt des lacs. L’avancée la plus méridionale du gigantesque
gâteau glacé continental, dont le niveau atteignait presque les plus hautes
montagnes qui l’entouraient, n’était pas éloignée de plus de cinq degrés de
latitude des glaciers des montagnes de la pointe nord. Les terres qui les
séparaient étaient les plus froides au monde.
Contrairement aux glaciers montagneux, rivières gelées rampant
lentement le long des flancs, la glace éternelle du haut plateau – le
glacier qui préoccupait tant Jondalar – était une version miniature de
la gigantesque couche de glace qui recouvrait tout le nord du continent.
En remontant la rivière, Ayla et Jondalar gagnaient de l’altitude.
Ils essayaient d’économiser les chevaux lourdement chargés en allant à pied la
plupart du temps. Ayla s’inquiétait particulièrement pour Whinney qui portait
la majeure partie des pierres et des rocs, indispensables pour leur survie sur
le glacier que les chevaux n’auraient jamais approché de leur plein gré.
De lourds paniers battaient les flancs des chevaux. Whinney, qui
tirait déjà le travois, voyait son fardeau plus réduit que celui de Rapide, si
volumineux qu’il menaçait de tomber à chaque pas. Ayla et Jondalar portaient
aussi sur le dos des paniers assez conséquents. Seul Loup était épargné, et en
le voyant gambader sans entraves, Ayla commençait à se demander comment il
pourrait contribuer à l’effort collectif.
— Tant de mal pour transporter des pierres ! remarqua
Ayla un matin en chargeant le panier sur son dos. Si on nous voyait hisser ces
rocs sur les montagnes, on nous trouverait bien étranges.
— Les gens s’étonnent davantage qu’on voyage avec deux
chevaux et un loup, rétorqua Jondalar. Mais si nous voulons qu’ils survivent
sur le glacier, ces pierres sont
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