Le grand voyage
battre en retraite. Les femmes du Clan, peu habituées à
la bagarre, n’en étaient pas moins de force égale aux hommes. Celle-ci, qui
aurait préféré se soumettre aux exigences d’un homme, avait été poussée au
combat pour voler au secours de son compagnon blessé.
Les agresseurs avaient perdu leur superbe. L’un d’eux gisait
inconscient aux pieds de l’homme du Clan, ses cheveux blonds maculés de sang et
de boue. Un autre se frictionnait le bras en fixant d’un regard noir la femme à
la fronde. Les autres étaient en piteux état et l’œil du moins mal loti enflait
tellement qu’il n’allait pas tarder à se fermer. Les trois agresseurs de la
femme du Clan, recroquevillés les uns contre les autres, les vêtements défaits,
tremblaient devant Loup qui les surveillait en grondant, les babines
retroussées sur ses crocs impressionnants.
Jondalar, qui avait reçu sa part de coups mais ne s’en troublait
pas pour autant, s’approcha d’Ayla pour s’assurer qu’elle n’avait rien et jeta
un coup d’œil à l’homme qui gisait au sol. Il prit soudain conscience qu’il s’agissait
d’un homme du Clan. Pourtant, il s’en était rendu compte en arrivant sur les
lieux, mais cette découverte lui était sortie de l’esprit. Il se demanda
pourquoi l’homme restait au sol. Il le dégagea de celui qui était étendu sur lui,
inanimé, et le fit rouler sur le côté. Il comprit alors pourquoi l’homme ne se
relevait pas.
Juste au-dessus du genou, sa cuisse droite formait un angle
bizarre. Jondalar regarda l’homme avec effarement. C’était avec cette jambe
cassée qu’il avait contenu six attaquants ! Il connaissait la force des
Têtes Plates, mais tout de même ! A coup sûr, l’homme souffrait le
martyre, mais il le cachait bien.
Soudain, un homme qui ne s’était pas montré pendant la bagarre s’avança
en plastronnant, et examina la bande en déroute d’un œil critique. Les autres
se tortillaient d’un air penaud, incapables de comprendre ce qui venait de leur
arriver. Ils s’amusaient tranquillement avec deux Têtes Plates qui avaient eu
le malheur de croiser leur chemin, quand avaient surgi une femme qui lançait
des pierres avec une précision inouïe, un géant aux poings durs comme le roc...
et le loup le plus énorme qu’ils eussent jamais vu ! Sans parler des deux
Têtes Plates.
— Que s’est-il passé ? demanda le nouveau venu.
— Tes hommes ont obtenu ce qu’ils méritaient, répondit
Ayla. Et maintenant, ça va être ton tour.
Comment cette étrangère savait-elle qu’ils faisaient partie de
sa bande ? Elle parlait sa langue avec un accent bizarre, qui était-elle
donc ? En entendant parler Ayla, la femme du Clan avait tendu l’oreille,
intriguée. L’homme à la tête meurtrie se réveillait. Ayla s’approcha pour
examiner sa blessure.
— Laisse-le tranquille ! ordonna le nouveau venu d’un
ton menaçant. Mais l’angoisse qui perçait dans sa voix n’échappa pas à Ayla.
Elle s’arrêta, le toisa et comprit que son injonction était davantage destinée
à impressionner ses hommes qu’à se préoccuper du sort de l’un d’eux. Elle
poursuivit donc son examen.
— Il aura des maux de tête pendant quelques jours, mais il
n’a rien de grave, annonça-t-elle. Si j’avais voulu le blesser sérieusement, je
n’aurais pas retenu mon bras. Et il serait mort, Charoli.
— Comment sais-tu mon nom ? lâcha le jeune homme en s’efforçant
de cacher sa peur.
— Nous en savons bien davantage, répliqua Ayla.
Elle jeta un coup d’œil à l’homme et à la femme du Clan. Pour
tous les observateurs, ils semblaient impassibles, mais Ayla devinait leur
malaise à de multiples signes imperceptibles. Ils surveillaient les Autres,
déconcertés par la tournure des événements.
Pour l’instant, pensait l’homme, le danger était provisoirement
écarté, mais pourquoi le géant les avait-il aidés ?... ou plutôt, pourquoi
avait-il paru les aider ? Pourquoi un homme des Autres attaquerait-il les
siens pour les aider ? Et cette femme ? Si c’en était une. Elle avait
utilisé une arme avec davantage d’habileté que la plupart des hommes. Quel
genre de femme était-elle donc ? Et contre de hommes de sa race,
encore ! Mais le plus inquiétant restait le loup, qui menaçait les hommes
qui avaient attaqué sa femme... sa nouvelle femme à laquelle il tenait tant. Le
géant avait peut-être un totem Loup, mais les totems étaient des
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