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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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reviendra. Eh oui, les gars. Quant à vous, baron, vous sacrifiez sans remords ni vergogne votre neveu…
    — Je ne sacrifie rien, dit Guillaume, assez pâle. Ogier est jeune ? Tant mieux : il est agile et souple, ce que tu n’es plus, Hugues… Il est sans expérience ?… Il décidera sur place, et son ardeur suppléera ses faiblesses de jugement… Il aura peu d’autorité ?… Détrompe-toi… L’audace ?… Il en a autant que toi et moi… Pas vrai ?
    Ogier acquiesça. Telle une bouffée de fièvre, une sensation de joie, de fougue et de méchanceté mêlées venait de l’envelopper. Tout comme Jean, ce culvert avide d’exploits, il allait prouver que ses qualités de guerrier pouvaient s’exprimer mieux encore dans l’agression que dans la défense.
    S’approchant du sénéchal maussade et dépité d’être écarté d’une aventure périlleuse, il le regarda dans les yeux :
    — Ayez confiance, Hugues… Après tout, vous m’avez aussi formé pour ces sortes d’échauffourées.
    Il ne se leurrait pas : l’alerte serait vivement donnée autour du beffroi. Ses compagnons et lui devraient furieusement se battre.
    — Il faudra une rude flambée pour détruire cette tour, dit-il. Tout ce merrain [120] a beau être gorgé de résine, cela paraît presque impossible.
    — Eh oui, fit Guillaume. Lordat, heureusement, croit avoir ce qu’il faut… Cours le chercher, Perceval, et revenez en hâte !
    Insensible à la moquerie, Jean disparut. Blanquefort s’assit auprès d’Ogier. Guillaume les considéra de tout son haut :
    — Qui comptes-tu emmener ?
    — Thierry Champartel.
    — Que fera-t-il ?
    — Il est vif et cogne dur. Quand il nous aura aidés à fourrer les fagots sous le ventre du beffroi, il descendra dans le fossé. Il y placera une échelle ou deux devant notre poterne pour notre retour. Nous ne pouvons nous replier autrement que par ce moyen.
    — Qui encore ? demanda le sénéchal attentif.
    — Renaud et Haguenier.
    — Mais…
    — Mon oncle, se destinent-ils oui ou non à la guerre ? S’ils ne veulent pas tomber au pouvoir de Canole, il faudra qu’ils se ploient à mes commandements… C’est le début de ma revanche.
    On toqua à la porte. Jean et Sicart de Lordat, un bissac de cuir sur l’épaule, entrèrent. Ils précédaient Pedro del Valle.
    — Que venez-vous faire ici ? s’étonna Guillaume.
    Le Tolédan sourit :
    — J’étais en compagnie de votre maître d’œuvre lorsque Jean est venu le chercher en lui disant ce qui se préparait… Je veux en être.
    Blanquefort fit un geste – objection ou approbation – dont Ogier n’eut cure.
    — Soit, messire. Allez vous apprêter. Du noir sur vous et une bonne lame.
    L’armurier s’en alla.
    — Quel homme ! soupira Guillaume. Mais il patouille dans la même merdaille que nous.
    Puis, tourné vers l’architecte :
    — Est-ce cette fameuse mixtion que vous nous amenez dans ce bissac ?
    — En effet, messire… Salpêtre, soufre, charbon soigneusement moulus et mêlés… Pour ce dernier, j’ai sacrifié en huit jours six lances de coudrier.
    Blanquefort se saisit du bissac, le soupesa et le considéra :
    — Un boisseau [121] , hein ?… Pas plus.
    — Un boisseau en effet.
    — Faut-il répandre cette poudre sur le sol avant d’y bouter le feu ? demanda Ogier.
    L’incrédulité du sénéchal lui paraissait soudain justifiée.
    — On pourrait… Ce que je vous conseille, c’est de la tasser dans un barricaut bien clos que vous pousserez au milieu des roues. Le feu que vous mettrez se chargera du reste.
    — Soit, dit le damoiseau, nous agirons ainsi. Allez aux cuisines, messire. Demandez à Mathilde un tonnelet à votre convenance… Hâtez-vous !
    Il s’aperçut qu’il s’exprimait avec une autorité nouvelle, et sans la moindre hésitation. Blanquefort lui sourit :
    — Qui d’autre ?
    Ogier se tourna vers Jean :
    — Connais-tu deux bons gars, fiables, voulenturieux, et aussi adurés que toi aux armes ?
    — Escrive et Roudouleux… Un rouquin, et le petit avec une tache de vin sur la joue… Ils se sont bien battus cette nuit !
    — Soit, va les prévenir. Qu’ils se vêtent de noir et se barbouillent le visage de suie… Comme arme, une cognée pour rompre les essieux, et un poignard.
    Jean sortit sans refermer la porte et le damoiseau l’entendit courir.
    Ainsi c’était fait. Il tremblait. La peur ? Non : l’impatience. Il regarda son oncle :

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