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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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encore ? Une écharde de doute ou de désespérance perça le cœur d’Ogier :
    « Jamais tout cela ne pourra cramer. Jamais ! »
    — Messire…
    Champartel lui toucha le coude : un homme apparaissait devant eux. L’arc sur l’épaule, il venait de surgir d’entre deux tas de fagots. Seul le forgeron avait pu déceler sa présence.
    Le routier passa au large en chantonnant, puis toussa, et sa lourde personne à l’extrémité de laquelle brillait faiblement son camail s’évapora dans les vapeurs nocturnes.
    — Ce regard [123] ne doit pas être seul.
    — Non, Champartel. Il y a des lueurs… Approchons-nous… Jean, fais signe aux autres de nous suivre… Le fagotier, là-bas, est assez long et haut pour que nous nous groupions tous derrière… Thierry…
    — Messire ?
    — Sors ta lame… Si cet archer repasse, tu l’égorges.
    Derechef, ils avancèrent. Le vent prolongeait les cris et les chants du camp de Knolles, installé à quelque deux cents toises [124] sur leur droite. Ciel noir. Ils ne pouvaient ni faiblir ni reculer. Mais douter n’était pas interdit… Et pourtant, il fallait embraser cette tour.
    — Hâtons-nous, dit Ogier.
    Il avait confiance en Lordat, en ce tonnelet et ce bissac que Jean et Thierry portaient avec des précautions extrêmes… Échouer ?
    « Nous aurons contre nous combien d’hommes ? »
    Il le saurait bientôt. Ils auraient surtout contre eux, en disposant d’un temps minime pour la vaincre, cette construction dont la massiveté devait décourager ses compagnons… Il n’y avait pas pensé, jusque-là, mais la graine d’angoisse et d’incrédulité qui venait de lever en lui avait dû germer en eux.
    Cessant de maugréer, il atteignit le rempart de falourdes et s’accroupit.
    — On va tous y laisser notre peau.
    Confronté, lui aussi, au tangible, Renaud s’inquiétait. Vu des murailles, le beffroi semblait imposant ; ici, il était non seulement colossal : il paraissait compact, invincible. La brumasse et l’obscurité transmutaient en granit ses charpentes.
    — En tout cas, dit Jean, on aura fait notre possible.
    La mort ne l’effrayait pas. Ce qui le tourmentait, lui aussi, c’était l’échec avec sa conséquence immédiate : l’envahissement du château.
    — Vous les voyez, messire ?
    — Oui, Thierry, je les vois… Levez-vous tous, doucement.
    Ils se dressèrent.
    À la base de l’engin, trois feux brûlaient, au-dessus desquels des trépieds soutenaient, au bout d’une chaîne, un chaudron fumant.
    — Ils sont peu, dit Pedro del Valle.
    Éclairés par la flamme que brandissait un porte-flambeau, deux hommes, à l’aide de cordes ou de lanières, affermissaient les membrures entrecroisées au-dessus des roues gigantesques.
    — Les trois gars que voilà, compagnons, me paraissent trop occupés pour avoir le temps de se défendre.
    — N’oublions pas, dit Jean, ceux du dedans.
    Ces deux-là fixaient la base de la première échelle, assez courte, au plancher du soubassement. Trois autres volées d’échelons accédaient à la plate-forme d’assaut.
    Un homme quitta la charpente pour touiller le contenu d’un chaudron.
    — Tu mourras, truand, murmura Escrive, avant d’avoir avalé ton civet !
    — Ils sont peu, dit Ogier. (Puis, sans un mouvement) : Jean, débarrasse-toi de ton tonneau… Toi, Thierry, prépare ton bissac… Ne perdez pas une pincée de poudre.
    Un bœuf meugla tout près, puis un autre.
    — Sales bestiaux ! maugréa l’homme au chaudron en revenant vers le beffroi.
    Ogier aperçut les bêtes, en contrebas, masse confuse et soudain mouvante d’où d’autres meuglements sourdaient.
    — Elles remuent, dit un routier.
    — Pas pour longtemps, compère. John doit monter les écorcher…
    — Vingt à la fois ! Faut être Anglais pour s’acquitter d’une telle besogne.
    — Holà, Landrin, préfères-tu occire de l’homme, de la femme et de l’enfant ?
    Rien que des Gascons qui semblaient répugner à employer le langage de leur terroir.
    Ogier se détourna vers son voisin immédiat. C’était del Valle.
    — Ils sont peu nombreux, murmura l’armurier. Ces bestiaux remuent si souvent qu’ils ne peuvent soupçonner notre présence. Entre eux et nous, il y a deux gardes… Et pour rendre aisée notre action, ils s’approchent.
    Ils étaient armés d’une épée, d’un arc, et s’entretenaient à voix basse.
    — Voilà, dit Ogier, ce que nous allons faire. Vous, Pedro, et

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