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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aisément qu’un chariot sur le chemin de Savignac.
    Sous les chaudrons, les braises grisaillaient ; les torches ne dispensaient plus que des clartés plates, roussâtres.
    — Que personne ne descende, ajouta le sénéchal. Demeurez attentifs. Faites quérir l’eau, les rochers… Approvendez-vous en sagettes… Jean !
    — Messire ?
    — Cours dire à Mathilde qu’elle vienne avec les femmes ramasser les morts et les blessés.
    — Que mes filles ne soient pas exclues de ce ramassage ! dit Guillaume, impassible… Hugues, le temps nous presse. Nous devons en être à la mi-nuit.
    — Il nous faut contrester [119] promptement sinon nous périrons. Où pouvons-nous parler à l’aise ?
    Blanquefort frissonnait de courroux, d’impatience et, certainement, de fatigue.
    — Dans ma chambre, dit Guillaume.
    — Allons-y, dit Arnaud Clergue en s’approchant. J’ai hâte de quitter ces maudits aleoirs… J’y ai reçu un affreux baptême.
     
    *
     
    Le baron s’assit sur son lit, essuya de l’avant-bras la sueur répandue sur son front et, les poings soudain posés sur ses genoux :
    — Ce beffroi, pour parler net, c’est la mort. S’il se meut, il sera comme elle, irrésistible.
    — Hélas ! oui, dit Arnaud Clergue, pâle, tremblant, sous sa bure poussiéreuse.
    Blanquefort voulut parler ; Guillaume eut un geste tranchant :
    — Non, tais-toi, Hugues, pour une fois !… Notre seule bonne chance de vivre quelque temps ou toujours, c’est d’anéantir cette infecte pyramide. Ils ne s’attendent pas à une revanche pareille. Ils ont oublié que le désespoir rend hardi !
    Le vieillard se leva et marcha devant la cheminée, tête basse, les mains crispées sur sa ceinture d’armes soulagée de son épée :
    — Présentement, chez Canole, les uns pansent leurs plaies, les autres lichent comme des trous. C’est le bon moment pour nous revancher.
    Blanquefort approuva ; le chapelain leva les yeux au plafond comme s’il craignait qu’il ne se rompît. Ogier se laissa choir sur le lit.
    — Agir, certes, mon oncle. Mais comment ? Et avec qui ?
    On frappa à la porte, c’était Jean. Sans gêne apparente, et après s’être insinué entre le sénéchal et le chapelain, le trompeor s’approcha du baron.
    — Monseigneur, pardonnez mon audace, mais qu’allons-nous faire ? Passé la joie de les avoir refoulés, les gars recommencent à trembler dans leurs chausses… Que faut-il leur dire afin de les rassurer ?
    — Rien, Jean. Je vais bientôt les rejoindre. Nous allons, vois-tu, essayer de ruiner leur beffroi.
    — Ah ! messire, la bonne idée… J’y pensais, savez-vous ? Qui avez-vous choisi ? Je voudrais en être… J’ai envie de me battre encore, et je connais bien notre motte.
    Conscient de l’exiguïté de son argumentation, Jean remuait ses poings presque agressivement devant Blanquefort, comme s’il lui tenait rigueur d’une éviction injuste qui, pourtant, n’avait pas été prononcée. Et parce que le baron souriait, l’exaltation du garçon fit place à de l’indignation :
    — Je sais me battre… Je l’ai prouvé… Il faut prendre le souterrain, pas vrai ?
    Ogier sentit la main du trompeor, large, impétueuse, sur son épaule, tandis que le tutoyant comme lorsqu’ils étaient deux jouvenceaux que rien ou presque ne différenciait, Jean insistait :
    — Tu me connais… Aide-moi à fléchir ton oncle.
    Loin de l’importuner, cette familiarité tira le damoiseau de l’état de perplexité anxieuse dans lequel, depuis son retour des murailles, il semblait s’être enlisé.
    — Le veux-tu avec toi ?
    — Oui, mon oncle.
    — C’est toi qui commanderas ces hommes.
    —  Lui ? s’étonna Blanquefort, surpris et sans doute indigné.
    —  Lui, insista Guillaume.
    — Mais… objecta le chapelain.
    — Oh ! vous, Clergue, ce que vous voulez me dire ressemble fort à ce que notre sénéchal a sur les lèvres : Ogier est jeune. Il est dépourvu d’expérience. Il sera trop souvent indécis et manquera d’ascendant sur les gars qu’il choisira – car je tiens aussi à ce qu’il les choisisse !
    — Dieu m’est témoin que je considère Ogier comme l’un des meilleurs d’entre nous, dit Blanquefort en se mettant à marcher, front bas et bras croisés. Quelque entreprenant et résolu qu’il soit, ce n’est pas une mission à confier à un jeune de cette espèce. Il a la vie devant lui… Aucun de ceux qui partiront là-bas ne

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