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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’injures :
    — Par saint Michel, messire Augignac !… Espèce de malfaisant ! Vous venez d’agir comme personne ne l’aurait osé… Rigobert était parmi les meilleurs à la défense ! Je l’y ai vu, moi, et pas vous !
    — Tais-toi, Jean ! Ferme ta sale goule de culvert ou tu vas le rejoindre ! C’était un traître !
    Le trompeor avait fait un pas en arrière. Son poing branla devant la face de l’écuyer :
    — Vous pouvez tirer votre, poignard. Vous ne m’effrayez pas. Quand je vous ai vu l’ajuster – faut dire : avec délices – je vous ai dit : « Non, non ! » Mais n’ayant point atterré un seul Goddon, vous étiez fier d’occire l’un des nôtres… Ça vous excitait. Voilà quatre jours que vous ne savez plus qui foutre, alors il vous fallait une compensation !
    Était-ce Renaud qui, selon Jean, avait violé la Bertine ? Le trompeor semblait sûr de lui et, à l’entendre, d’autres viols avaient été perpétrés. Par Renaud ? Renaud seul ou avec Haguenier ?
    — Tais-toi, fils de pute !
    L’arc tomba. Le poing ferré de Renaud atteignit le trompeor à la bouche.
    — Voilà comment je traite les hurons de ton espèce !
    L’écuyer dégaina mais ne put faire usage de son poignard : Blanquefort s’était interposé.
    — Remise cette lame au fourreau… Allons, obéis, Augignac. Où as-tu pris que Rigobert était un traître ?
    L’écuyer recula, furieux.
    — Pourquoi as-tu frappé Jean ?… Parce qu’il te disait que tu viens de te conduire comme un saligot ?
    Déconcerté, Renaud fit : ce Euh » et reçut un revers de main en plein visage.
    — Messire, vous me paierez cette gourmade !
    Blanquefort doubla son coup.
    — Et quoi encore ?… Des menaces !
    Renaud saignait par la bouche et le nez. La douleur, cependant, comptait moins que la honte : cinquante témoins assistaient à sa punition.
    — Tu nous as tué un homme, Augignac. Un homme que j’ai vu se battre. J’en connaissais la valeur… Ne sais-tu pas qu’un couard repenti devient le meilleur des guerriers ?… Qu’as-tu retenu de mes leçons ?
    Une gifle encore. Renaud chancela.
    — Tu nous as privés d’un homme qui nous fera défaut un jour ou l’autre… Et pourquoi ?… Pour qu’on t’admire ? Or, qui merveilles-tu en ces lieux ?… Personne… Tu t’es cru autorisé à rendre la justice… On aura tout vu ! Un trou du cul merdeux qui se prend pour un juge !
    Blanquefort désigna le puits et, souriant :
    — Voilà : il y a trois petits chênes, et messire Augignac, dessous, s’est pris pour Saint Louis.
    Des rires s’élevèrent, soulageant Ogier de sa stupeur.
    — Maintenant, Augignac, marche jusqu’au défunt.
    — Mais…
    Le sénéchal avait tiré son épée.
    — Va !… Occire un homme ainsi est une chose aisée… Je veux te voir exprimer du remords… Allons, va ou je te pique le cul de ce bon acier poitevin !
    Augignac s’immobilisa devant le corps de Rigobert.
    — Ote ta sagette et jette-la.
    Augignac obéit.
    — Retourne-le, qu’on voie sa face.
    Augignac obtempéra mais n’osa regarder le visage du défunt dont le flotternel se poissait de sang.
    — Ce maçon, Renaud, n’était pas un Goddon… Pas un Gascon. Un homme de l’Aragon : un ami… Jamais, tel qu’il s’était engagé sur le pont, il ne serait sorti de nos murs… Tu l’as transpercé dans le dos par plaisir… Demande-lui pardon.
    Ogier sentit son cœur se gonfler. Le sénéchal se délectait. Guillaume apparut et n’intervint pas.
    Regardant dédaigneusement la lame de Blanquefort, Renaud s’agenouilla. Son ombre couvrit la tête de Rigobert.
    — Pardon, dit-il sans repentir et même, semblait-il, avec une sorte de jubilation.
    — Baise-le, intima Blanquefort.
    Renaud baisa le mort sur le front et se releva.
    Le sénéchal eut un mouvement de tête approbatif, frotta sa main sur la poitrine ensanglantée du maçon et en contempla la paume.
    — Approche, Augignac.
    L’écuyer obéit et reçut la dextre vermeille en plein visage.
    — Comme la vergogne ne te faisait pas rougir, que ce soit le sang de ta victime qui s’en charge !
    — Je me vengerai !
    — Essaie, mais ne manque pas ton coup !
    Renaud se dirigea vers le donjon.
    — Non ! hurla le sénéchal… Monte aux aleoirs et tâche de n’y point faillir.
    Ogier était demeuré coi, frémissant de colère envers lui-même : « Sans armure, j’aurais couru plus vélocement et

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