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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Claresme et Pedro del Valle regagnaient le donjon. Blanquefort prit Ogier par l’épaule :
    — Je comprends à la fois Renaud et Rigobert… Mais je serai toujours du côté des plus humbles… Quand ils sont honnêtes, bien sûr !
    Ogier hocha la tête.
    — Et cette armure ? Pèse-t-elle encore ?
    — Un petit… Vous avez vu : j’ai mis trop de temps pour atteindre la tour… Sans quoi Rigobert vivrait encore !
    — Attendez-moi… Bougez pas !
    D’un pas vif, Blanquefort entra dans l’écurie. Il en sortit quelques instants plus tard, menant Marchegai, sellé, par la bride.
    — L’avez-vous monté ainsi vêtu ?
    — Non.
    — Essayez… Et je vous conseille de considérer l’escalier de la paneterie comme un montoir !
    Ogier acquiesça. Accroché des deux mains au pommeau de sa selle, il se hissa sur Marchegai.
    Aussitôt le cheval tourna vers lui un œil furieux : ce poids inattendu l’indignait. Il gratta le sol de ses antérieurs, comme s’il s’apprêtait à désarçonner son cavalier. Celui-ci lui tapota l’encolure :
    — Tu t’y feras, beau seigneur noir !… Tu t’y feras !
    — Il faut vous exerciser à monter en un seul saut, sans toucher l’étrier… Les vrais chevaliers le font… et d’autres qui ne le sont pas !
    Encore une réflexion lourde d’une inguérissable amertume : même à son âge, Blanquefort sautait en selle vêtu de son harnois de guerre ; Guillaume n’y parvenait plus.
    — Faites un tour de cour, ajouta le sénéchal en flattant la cuisse du destrier. Il est tant joyeux de pouvoir remuer que votre poids a déjà cessé de l’incommoder.
    « Tiens, il est plus aimable, se réjouit Ogier en guidant son cheval le long des bâtiments. S’est-il soulagé en tapant sur Renaud ? »
    Regrettant de ne pouvoir chevaucher longuement, le damoiseau revint à la paneterie dont il utilisa l’escalier pour quitter la selle, avant de conduire Marchegai dans son logis.
    — Eh oui, c’est déjà fini, dit-il en le libérant de ses harnais.
    L’étalon hennit avec fureur et joua du sabot. Cette fois, pour l’apaiser, les flatteries furent vaines. Ogier, soucieux, quitta l’écurie et s’immobilisa sur le seuil.
    — Holà !… Ai-je la berlue ?
    Tancrède avait revêtu l’armure milanaise dont elle tenait le bassinet contre sa hanche.
    Les mains jointes en une parodie de prière, le garçon s’informa :
    — Où vas-tu, beau chevalier ? Combattre Canole ? Briatexte ? Mélipart ou Bemborough ?… Je t’avertis qu’ils sont loin, mais t’en supplie : sauve-moi de leur piétaille !
    Un éclair flamba dans le regard de la jouvencelle, si bref, cependant, qu’Ogier ne sut s’il l’avait offensée ou flattée. Il en convint une fois de plus : en quelque habit qu’il la trouvât – tissu tendre ou fer coriace – elle exaspérait en lui, par les seuls attraits de son visage, les démons qu’il domptait si mal.
    — Te sens-tu avantagé là-dedans, beau cousin ?
    — Avantageux, cousine. Comment ne le serais-je pas ?… Mais toi, pourquoi te prends-tu pour Perceval ou Lancelot ? N’as-tu pas de vergogne à te vêtir ainsi ? Nul ne se rit de toi ?… Qu’en pense Blanquefort ?
    Elle eut un geste agacé, comme si elle écartait une toile d’araignée tendue entre eux, sous la voûte.
    — Pousse-toi !
    Comment, surtout après sa chute ainsi vêtue, pouvait-elle sereinement braver l’opinion des commères et des défenseurs ? Pourquoi del Valle et ses aides étaient-ils si complaisants ?
    — Combien de fois as-tu revêtu ce fer, cousine ? C’est un fardeau de soixante livres !… Tu le supportes mieux, on dirait !
    — Je m’en couvre chaque jour… Je veux, désormais, accoutumer Roxelane à ma présence, jusqu’au moment où je la monterai… C’est la raison de ma venue à l’écurie.
    Même s’il n’était en rien choquant, Ogier ne pouvait admettre l’accord de ce visage mat, délicat et austère, avec l’étincellement de l’armure. Dire qu’il l’avait vue quasiment nue en ce lieu ! Tancrède s’en souvenait-elle ?
    — Cousine, ailleurs qu’entre ces parois, les Tolédans ne te confieront jamais cette défense… Alors, à quoi bon t’en vêtir ? Mets une robe… Rien ne t’est plus seyant…
    Cette beauté dont elle semblait inconsciente, s’accommodait bien mieux de mollesse et de flexibilité que de force et de roideur. Elle en usait d’une manière absurde, et bien qu’elle fût

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