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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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trémulations et ses cliquetis habituels, le pont s’inclinait lentement. Déjà, l’alerte était donnée au sommet des murailles, mais de là, nul ne pouvait intervenir et pénétrer dans les tours.
    — Holà ! On a verrouillé la porte du dedans ! cria Guillaume, courbé tellement en avant, sur le bord de l’aleoir, qu’il pouvait choir dans le vide.
    — La mienne aussi, vociféra Girard, en haut du bâtiment voisin.
    — Qui est-ce ? interrogea Guillaume.
    — Rigobert, messire, hurla Jean. Et voilà que la herse remonte !
    Taca taca taca  : il semblait à Ogier que le bruit familier le narguait.
    Vitupérant à haute voix son impuissance, le baron, maintenant, agitait les bras. Derrière lui, un homme – Calmels – s’acharnait à forcer la porte à coups d’épaule.
    — Les treuils… les treuils !
    Le saisissement d’Ogier disparut. Avant de maîtriser le maçon qui pouvait, par la machinerie, passer d’une tour à l’autre, il fallait immobiliser les treuils.
    Les chaînes du pont se déroulaient ; celles de la herse s’enroulaient ; les engrenages grinçaient dans des soubresauts dont le soudain silence aggravait le vacarme. Taca taca taca  : déjà, derrière les barreaux de la herse mouvante, un rectangle de ciel apparaissait, entre le linteau de la voûte et l’extrémité du tablier.
    — Allons, les gars, hurla Guillaume, relâchez pas la surveillance ! Ils peuvent profiter de l’occasion et se ruer sur nous.
    Essoufflé, furieux, angoissé, Ogier pénétra dans la tour où le maçon était entré. Le pont, avant tout. La herse ensuite… Plus le tablier s’inclinerait, plus il pèserait sur les fléaux, et plus hâtivement il atteindrait son assise.
    — Rigobert… Je sais que vous manœuvrez la herse. Cessez !
    Il avançait dans l’escalier. Cinq marches !… Dix… Il y en avait trente. « Cette armure ! » Et Confiance dont la bouterolle éraflait la muraille.
    Ah ! enfin… La porte était ouverte.
    Les machines se trouvaient là, sous le pavement de la courtine, dans une pièce longue, étroite et basse, empestant la poussière, le suif et l’axonge.
    À la clarté grise des meurtrières, les cylindres de chêne couchés comme des broches énormes sur leurs appuis de fer scintillaient. L’un, celui de la herse, était immobile ; l’autre, celui du pont, déroulait ses chaînes en secouant, au-dessus de lui, les poulies de transmission dont certaines grinçaient. Ogier enragea :
    — Bon sang ! Ça tourne trop fort. Je me briserais les mains à vouloir attraper ces signoles [86]  !
    Il trébucha sur la paillasse de Guillaume, saisit le levier d’arrêt et le tira vers lui. Les cliquets s’incrustèrent dans les pignons et le treuil sursauta. Trop tard ! Un choc violent, dehors : le tablier venait d’atteindre ses appuis.
    — Holà !… À l’aide !
    La porte intérieure donnant sur l’escalier de la seconde tour était ouverte. C’était par là que le maçon avait fui.
    — Venez donc m’aider, Rigobert… On vous pardonnera.
    Rien. Ne pas s’affoler. Enrouler les chaînes autour du cylindre.
    Cramponné au mancheron d’une des manivelles, Ogier tira en sens inverse du déroulement des chaînes et jura, car les engrenages résistaient. Une ombre surgit.
    — Vous en faites pas, messire, dit Faenzac… En face, ils étaient si ébahis qu’ils ont pas bougé.
    Il précédait Camboulive, Brouzeix, Girard.
    — On va s’en occuper… Allez débucher Rigobert. Il est dans la tour d’à côté.
    Ogier s’engagea dans l’escalier dont il descendit difficilement les marches. Dès qu’il fut au-dehors, il s’immobilisa :
    — Quel marmouset, ce Rigobert !
    Le tablier remontait, et sous la herse immobile, le maçon courait en direction du fossé, comme pour le franchir d’un bond. La pente de plus en plus raide et glissante contrariait sa progression.
    — Arrêtez donc ! Arrêtez ! Vous vous tuerez ou ils vous tueront.
    Mais le maçon s’obstinait.
    — Cesse donc, cria quelque part Blanquefort.
    Une sagette siffla. L’homme s’effondra, dévala sur le ventre, raclant de ses ongles et de la boucle de sa ceinture les ferrures et le bois du pont-levis.
    Ogier se précipita :
    — Rigobert !
    L’homme, à genoux, bavait du sang. Il tomba sur le ventre. Mort.
    Ogier se retourna pour connaître l’auteur de ce meurtre inutile.
    L’archer se tenait sous les chênes et Jean, sans respect, l’abreuvait

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