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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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ensemble, à genoux, récitons le Notre Père !
    Après que la prière eut été prononcée avec ferveur, le moine remonta sur sa jument, bénit l’assistance d’un geste large et s’engagea lentement sur le chemin du retour.
     
    Childebrand était demeuré de méchante humeur. Son entrevue avec Ermenold avait été orageuse. Ce dernier avait fort mal pris son dessaisissement, affirmant sur un ton véhément qu’une telle procédure ne pouvait intervenir que pour sanctionner des fautes graves, flagrantes et répétées et que, en l’occurrence, rien ne le justifiait. Le missus releva vertement celles qu’il avait commises et ne se retint pas de lui lancer à la figure que la façon dont il avait procédé lui avait été dictée par ses intérêts et sa haine des vassaux directs du souverain. Le comte d’Auxerre répliqua que la parenté de Childebrand et d’Adelinde n’était peut-être pas pour rien dans le camouflet qui lui était infligé, ce qui déclencha la fureur du missus.
    Ermenold avait d’abord revendiqué avec force que l’affaire fût portée devant le plaid de l’empereur. Cependant, reprenant quelque peu son sang-froid, il se rendit compte qu’il en irait alors de sa fonction, donc de son bénéfice domanial tout entier. Il ne proféra plus alors que des menaces vagues. Childebrand, de son côté, pensant mettre un peu de baume sur la plaie, indiqua que l’abbé Erwin et lui-même feraient en sorte que leur décision apparaisse non comme une sanction mais comme une mesure que prenaient fréquemment les missi dominici lorsqu’une affaire avait quelque rapport avec des personnes de haut lignage.
    — Cela arrangera-t-il quoi que ce soit ? lança sur un ton aigre le comte d’Auxerre qui partit sans prendre autrement congé de Childebrand.
    Puisque Ermenold en usait ainsi, le missus décida de faire entrer en vigueur immédiatement les effets du dessaisissement. Accompagné de Doremus et de deux gardes, il se rendit dans les locaux de justice. Il fit convoquer tout le personnel, greffiers, geôliers, bourreau et serviteurs, pour leur notifier que l’enquête sur le meurtre de Wadalde serait conduite désormais sous l’autorité immédiate des missionnaires du souverain, auxquels tous devaient obéissance exclusive à partir de cet instant. Cet ordre serait confirmé par écrit dans la journée. En attendant, deux gardes impériaux en contrôleraient l’exécution. Tout manquement serait puni sévèrement.
    Ces injonctions avaient été lancées par le comte Childebrand sur un ton si tranchant et d’un air si impérieux que ceux auxquels elles s’adressaient en demeurèrent frappés de stupeur.
    — Pour commencer, ordonna le missus dominicus aux geôliers, faites sortir de leur cage, là, ces esclaves frisons, et qu’ils soient libérés sur-le-champ !
    Comme le bourreau paraissait s’en étonner vaguement, Childebrand lui jeta :
    — Tiendrais-tu à tâter de ton propre fouet ? Dans ce cas, je m’en chargerais moi-même.
    Avalant sa salive, le bourreau fit un geste de dénégation.
    Lorsque les Frisons, extraits de leur geôle, arrivèrent devant le comte et son assistant, Van, que soutenaient deux des siens, se redressa comme il le put pour les saluer. Puis, s’adressant à Doremus, il articula avec difficulté :
    — A ton maître et à toi, je dois de vivre… encore. Ma vie vous appartient. Faites-en…
    Il dut s’interrompre.
    — Ta vie n’appartient qu’à Dieu, rectifia l’ancien rebelle. Ton sort est entre les mains de celui dont tu es l’esclave. Mais l’empereur Charles le Bon protège tous ceux qui œuvrent paisiblement et courageusement sur les terres de ses royaumes.
    Bien que le missus eût trouvé cette mise au point singulièrement audacieuse, il préféra ne pas la relever. Ne contribuait-elle pas, d’ailleurs, à la bonne renommée du souverain, fût-ce auprès d’êtres aussi inférieurs que des Frisons réduits en servitude ?
    Le comte s’apprêtait à procéder à une inspection des locaux de justice sur lesquels les missi avaient désormais autorité, quand le frère Antoine se présenta et lui révéla sans détour ce qui s’était passé à la cressonnière de Diges. Childebrand étouffa un juron et médita sombrement un long moment.
    — C’est vraiment infernal ! gronda-t-il. Tu n’as plus rien de catastrophique, au moins, à m’annoncer ?
    Le moine pencha la tête avec un air navré.
    — Si, seigneur : un vent mauvais

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