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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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ramenait la dépouille mortelle de Malier et, ensuite, pour lui faire escorte jusqu’à la chapelle. Timothée n’entendit que plaintes et lamentations, imprécations et cris de vengeance. Frébald et sa descendance conduisaient le deuil. Luce, la veuve de l’intendant, derrière la lugubre charrette, n’était qu’un sanglot.
    Dans de telles conditions, le Grec n’avait même pas songé à se mettre en quête de témoignages, ou à recueillir des informations. Tout au plus avait-il pu observer que le chef des Nibelung montrait un visage sombre, apparemment préoccupé, voire inquiet. Quant au meurtre, un examen, même rapide, du cadavre avait permis à Timothée de constater que Malier avait été tué à coups de dague : trois blessures au dos, larges, profondes, avaient entraîné la mort, un trépas rapide sans nul doute. Pas plus pour lui que pour Wadalde, le corps ne présentait de meurtrissures laissant supposer qu’il y avait eu un affrontement.
    En somme, sauf en ce qui concernait cet aspect de l’assassinat, cette première récolte de renseignements n’avait à peu près rien fourni. C’est pourquoi Timothée avait décidé, avec l’accord des missi, de revenir au matin à Escamps, pour interroger la veuve de Malier et pour avoir une entrevue avec Frébald.
    Luce, qui avait passé la nuit à veiller la dépouille mortelle de son époux, exposée dans la nef de la chapelle, accepta, malgré sa fatigue et son chagrin, de recevoir l’assistant des missi qui se présenta à elle comme « serviteur de la vérité et de la justice ». Les yeux rougis par les pleurs, le visage ravagé par la douleur, elle rassembla son courage pour répondre, avec calme, aux questions de Timothée. Son époux, précisa-t-elle, avait quitté leur demeure avant l’aube, ce qui lui arrivait quand il se rendait sur des manses éloignés, mais sans se faire accompagner par un serviteur, ce qui était peu fréquent, et à pied, ce qui l’était encore moins. Il ne lui avait indiqué ni où il allait, ni quelle était la raison de son déplacement. Elle ne possédait aucun indice lui permettant d’imaginer qui il avait pu rencontrer.
    Après une courte pause, le Grec lui demanda :
    — Ces jours derniers, t’a-t-il paru changé, songeur, préoccupé, tourmenté par quelque secret ?
    D’une voix lente, Luce énonça :
    — Tourmenté ?… Oui, c’est cela, tourmenté… et très exactement depuis le moment où il apprit le meurtre…
    Ce mot déclencha une crise de larmes. Elle poursuivit avec peine :
    — … depuis le meurtre de Wadalde. Il y avait de quoi l’être… assurément. Mais il a dû y avoir autre chose… et de plus grave que – comment dire ? – que les craintes qu’un tel assassinat pouvait… susciter, en général… Me comprends-tu ?
    — Parfaitement ! Tu veux dire : quelque chose qui le regardait lui, particulièrement, personnellement, quelque chose, peut-être, de dangereux, pour lui, pour toi, pour tes enfants ?
    — C’est un sentiment que j’avais… comme cela. Je ne pourrais rien dire de plus… Je l’ai interrogé, bien sûr, et à plusieurs reprises… Il m’a répondu que je me faisais des idées, qu’il était normal de considérer la mort de Wadalde comme source de complications et de difficultés. J’insistai, je lui demandai s’il redoutait quelque chose pour lui, pour nous ; il a ri et m’a tenu des propos qu’il voulait rassurants.
    Elle serra les poings.
    — Mais j’ai su à l’instant qu’il mentait pour ne pas m’alarmer.
    — Pardonne-moi de te poser encore cette question : crois-tu que ton époux ait eu des raisons de craindre pour sa vie même, se sentant directement menacé ?
    — Je ne pourrais te le dire. Mais, moi, je savais. La nuit précédente, j’avais rêvé de sept corbeaux qui prenaient leur vol vers la gauche en direction d’un marécage où grouillaient des serpents. Avertissement de mort !… Et puis ce meurtre atroce, diabolique disent certains, dont a été victime Wadalde. Je lui ai parlé, je lui ai demandé de ne rien entreprendre de ce qu’il avait prévu… Je l’ai supplié ! Ah ! s’il m’avait écouté, s’il m’avait cru, s’il… peut-être, aujourd’hui, serait-il encore là, à mes côtés, à cette place où tu te tiens ! Et moi, allant vers lui…
    Elle ne put terminer et éclata en sanglots. Le Grec appela une servante pour qu’elle soutienne et réconforte sa maîtresse, épuisée de

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