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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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maintenant il te faut parler, lui dit Childebrand avec douceur.
    Adelinde se redressa sur son siège et prit une longue inspiration. Puis d’une voix affermie, elle répondit :
    — Elle est venue lui livrer, avant de passer dans l’autre monde, le secret de sa naissance, celui qu’il avait toujours réclamé en vain. Elle lui a indiqué qu’il était né en la huitième année du règne de Pépin ( 17 ), à Senlis, des amours d’Alard et d’une jeune fille de bonne lignée, morte en couches. Elle s’appelait… Adélaïde ! A partir de là…
    Childebrand se tourna vers Erwin dont le regard lointain et le visage impassible exprimaient à leur manière l’étonnement.
    — Adélaïde ! s’écria le comte. Grands dieux !…
    — Robert, poursuivit la Nibelung, fut confié par Alard, ou plutôt par la sage-femme qui avait assisté la malheureuse Adélaïde, à cette Constance qui nourrit l’enfant pendant deux années jusqu’au moment où Helma, qui avait épousé Alard, consentit à accueillir ce bâtard à son foyer, ce qui n’alla pas sans difficultés avec Isembard, son fils légitime, par la suite.
    Adelinde, dont le visage s’était empourpré, reprit avec courage :
    — Faut-il renouveler tant de douleurs ? Et pourtant… En enquêtant sur le secret de sa naissance, Robert avait appris quels avaient été les débuts désordonnés de ma vie, ce qui m’avait valu d’être enfermée dans un couvent. On se contentait chez les Gérold, si je puis dire, d’en tirer argument contre ma vertu. Voici Constance, à l’article de la mort, venant à grand-peine lui dévoiler son secret ! Adélaïde… Adelinde… Pour lui, une révélation fulgurante ! Il se renseigna rapidement : les dates de sa naissance et de ma claustration le renforcent dans sa conviction. Et cette mère mystérieuse morte en couches ?… Nul doute en son esprit : il est mon fils ! Lui, le bâtard honni, méprisé, il est plus grand que tous : il est en sa personne l’union de deux lignées fameuses, les Gérold et les Nibelung !
    — Incroyable ! s’écria Childebrand… Sans doute, Adelinde, s’est-il précipité chez toi pour obtenir confirmation de cette parenté fabuleuse ?
    — Certes, et avec quelle impétuosité ! Il se voyait déjà seigneur suprême, régentant tout, commandant tous, à la tête de deux domaines conjoints qu’il ne manquerait pas d’agrandir et de rendre plus prospères, faisant retentir jusqu’à Aix le bruit de ses exploits. Quelle éclatante revanche pour un bâtard !
    — Et de ces rêves fous tu détenais la clé ? Quel ne dut pas être son acharnement à obtenir confirmation de sa filiation !
    — Acharnement ? S’il ne s’était agi que de cela ! Après les « révélations » de Constance, il est venu à Escamps à plusieurs reprises, exigeant de me rencontrer. Ce fut d’abord une requête formulée en termes exaltés mais normaux en somme, à partir d’arguments qu’il jugeait irréfutables. Comme, naturellement, je lui opposais toujours un refus, le ton monta d’entrevue en entrevue : de la demande il passa à l’exigence, puis à l’injonction, à la véhémence, à l’insulte, aux menaces : il ferait savoir à toute la ville, à tout le pays, la vérité sur sa naissance ! Je serais ainsi confondue ! « Tu ne feras, lui dis-je, qu’ajouter des ragots à ceux qui, depuis tant d’années, ont déjà circulé à mon sujet et dont aucun ne trouve plus créance. Quelle preuve pourras-tu apporter à l’appui de tes dires ? Tout le monde les attribuera à la rancœur, à la malignité, et même à un délire néfaste ! Tu seras le seul à en pâtir ! » J’avais cru, en lui parlant ainsi, le remettre sur le chemin de la raison. Je dois avouer que cela ne fit que renforcer sa fureur et sa haine qui prirent alors pour cible toute la race des Nibelung… Puisqu’il ne pouvait en être, alors il allait l’humilier, l’accabler, ruiner sa réputation, la détruire.
    — De telles menaces n’auraient-elles pas dû t’alarmer, t’inciter à prendre et à conseiller des précautions ? s’enquit Childebrand.
    — Je crus d’abord, répondit Adelinde, qu’elles étaient le fruit – comment dire ? – d’une poussée de fièvre, qu’il s’agissait de ces propos qu’on tient dans la colère mais qui, celle-ci retombée, ne sont suivis d’aucun effet. Je conseillai néanmoins aux miens d’être vigilants, disant que nos rapports

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