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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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sourire au coin des lèvres, la jeune fille répliqua :
    — Sans doute aurais-tu quelque raison de parler de la sorte si j’étais comme certaines pucelles qui attachent peu de prix à leur vertu. Je me respecte trop et Albéric me respecte trop – cela se sait – pour que ma fuite ait pu constituer un tel expédient, honteux !
    La repartie fit sensation. Erwin, lui-même, en fut interloqué.
    — A défaut d’avertir les tiens, n’étions-nous pas, nous, missi dominici, capables de t’assurer la protection dont tu avais besoin ? reprit Childebrand.
    — Je ne connaissais alors, seigneurs, ni votre perspicacité, ni votre vaillance, ni votre équité.
    Elle ajouta avec une légère révérence :
    — A présent je me fierais à vous sans hésiter… comme je remets en ce moment mon sort entre vos mains.
    — Ton sort, gronda Erwin, est entre les mains de tes parents ! Quant à votre fugue, je te le répète, elle a engendré grands dommages et tu ne saurais t’en prévaloir en aucune façon ! En as-tu terminé avec ton témoignage ?
    —  Avec mon témoignage, oui ! répondit-elle.
    — Tu peux donc te retirer.
    Cependant Clotilde ne quitta pas le prétoire et prit place entre Isembard et Hilderude au premier rang de l’assistance.
    Albéric, dernier témoin, eut au passage pour elle un regard qui signifiait amour et confiance. Sa déposition ne fit que compléter celle qu’avait faite Clotilde. Il précisa dans quelles conditions ils avaient pris la décision de fuir ensemble pour échapper à la folie criminelle de Robert. Quant au choix de leur retraite, il indiqua qu’il s’était rendu à plusieurs reprises dans le bois des Centaines, appartenant au bénéfice des Nibelung d’Auxerre, pour y courre le cerf. C’est à cette occasion qu’il avait fait la connaissance de Rémy qui faisait office de piqueux. Il savait qu’on pouvait se fier à lui, à son dévouement, à sa discrétion. Il décrivit les étapes de leur fuite, l’arrivée au refuge, l’hospitalité de Rémy, puis l’affrontement au cours duquel Robert avait été terrassé par l’abbé Erwin qu’il remercia avec chaleur.
    Il terminait sa déposition quand Clotilde se leva, s’approcha de lui, et, regardant les missi dominici, déclara d’une voix claire :
    — Seigneurs, vous qui venez d’assister aux effets détestables d’une haine absurde… des morts, des blessés… – et pourquoi Dieu bon ?  –… s’ajoutant à tant de méfaits, de désordres… depuis tant d’années… vous qui vous donnez pour tâche Ordre et Justice… et aussi de préserver le sang des vassaux qui ne doit couler que pour Charles, empereur… seigneurs, regardez-nous ! Albéric, fils d’une noble lignée, est-il indigne de moi ? Et moi, qui n’ai pas à rougir de ma race, suis-je indigne de lui ? Unir à travers nous deux familles qui se sont si longtemps détestées et combattues, à grand dommage pour l’une et l’autre, pour les royaumes aussi, est-ce folie ou raison ? Seigneurs, unir Gérold et Nibelung, n’est-ce pas là un dessein digne d’un souverain, digne de ses représentants tout-puissants ? Oh ! ni Albéric ni moi n’userons de procédés infâmes pour sceller notre union, car ils ne serviraient que nous alors que ce qui est en jeu va bien au-delà. En approuvant notre hyménée, nos familles scelleraient enfin leur réconciliation !
    Clotilde s’agenouilla devant l’estrade, courba la tête, puis, la relevant pour regarder les missi dominici, s’écria :
    — Seigneurs, aidez-les, aidez-nous !
    Au soir du procès, un banquet réunit, autour du comte Childebrand et de l’abbé Erwin, leurs assistants, les scabins, Hermant et ses adjoints ainsi que Dodon. Le comte Ermenold qui, finalement, avait rendu service aux missionnaires de l’empereur, volontairement ou non, avait été également invité avec son vicomte Héloin. Quant aux Gérold et aux Nibelung, ils avaient regagné leurs résidences.
    Au cours du repas, les scabins ne tarirent pas d’éloges sur la qualité des débats qui avaient permis, dirent-ils, de confondre Robert et de faire toute la lumière. Ermenold ne put s’empêcher d’ajouter, avec fiel :
    — Évidemment, quelques murmures ont bien accompagné le prononcé de la sentence. Que voulez-vous, on s’attendait dans le prétoire à une lourde condamnation, exécutée aux portes mêmes de la ville. Aussi, ceux qui estiment nécessaire que les crimes les plus affreux

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