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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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d’être posée à propos de l’identité de Joan Cristià ?
    — Avancez-vous, maître Isaac, dit le clerc d’un air consterné. Que l’on fasse silence en présence des juges !
    Isaac s’approcha donc, la main posée sur l’épaule de Yusuf, et il s’inclina.
    — Vos Seigneuries, j’ai eu l’occasion de soigner Joan Cristià lorsqu’il a été atteint des maux qui ont fini par l’emporter. Il est mort au château de Cruilles où il avait été aimablement reçu par Son Excellence et par les subalternes de celle-ci.
    — Quelle fut la cause de sa mort ? demanda le troisième juge.
    — Le poison, monseigneur. Dès que je lui parlai au château, il me raconta qu’il avait été empoisonné, et qu’il connaissait le coupable.
    — Comment pouvait-il en être si certain ? s’étonna le premier juge.
    — Il semble qu’une seule personne savait préparer ce poison et avait eu l’occasion de le lui donner. Cet homme, il me le décrivit comme un apprenti déloyal, mais il lui avait enseigné la formule de cette mixture particulièrement dangereuse. Quand il arriva à Cruilles, il se prescrivit un antidote de la préparation qu’on lui avait fait boire. Nous l’avons fabriqué et le lui avons donné, mais il savait que c’était en vain car trop de temps s’était écoulé entre le moment où il avait ingéré le poison et son arrivée au château.
    — À votre avis, dit le troisième juge, son opinion était-elle fiable ?
    — Oui, messeigneurs. C’était de toute évidence un homme versé dans ces choses. Il sut, dès que les symptômes se manifestèrent, ce qu’il avait avalé malgré lui. Et la façon dont il est mort est capitale pour ce tribunal, car c’est très exactement celle que j’ai observée lorsque je traitais maître Narcís. Les symptômes correspondaient également à ceux présents chez maître Mordecai lorsqu’il but une infime quantité de poison, mais il le recracha quand il se douta qu’il y avait là vilenie.
    — Savez-vous ce que contenait ce poison ?
    — Aujourd’hui, oui, mais, malheureusement, je ne maîtrisais pas ce savoir à l’époque où j’aurais pu venir en aide à maître Narcís. Maître Mordecai a conservé le reste du flacon qui lui avait été porté et j’ai pu effectuer différentes expériences afin de l’analyser. La plupart des poisons, messeigneurs, sont de simples extraits d’une plante, unique et mortelle, et ils ont une odeur ou un goût révélateurs, pour ne pas dire une consistance particulière quand on les touche du bout des doigts, mais il ne s’agissait pas dans le cas présent d’une drogue commune. C’était en fait, ainsi que je l’ai découvert, un mélange subtil de substances paralysantes et spasmodiques qui, dans une certaine mesure, s’annulent mutuellement. Je conclus que c’était là le principe qui avait commandé le choix de tels ingrédients.
    — Mais quel serait le but d’un tel mélange si des éléments contraires viennent se neutraliser ? s’enquit le troisième juge.
    — Je soupçonne l’empoisonneur qui a développé cette recette d’avoir cherché à masquer l’effet initial des divers poisons.
    — À quelle fin ?
    — Pour dissimuler ce qui se passait, monseigneur. Si l’on veut faire une comparaison plus triviale, j’évoquerais une cuisinière qui a ajouté un fruit sucré et une orange amère à un plat de viande. Le palais les goûte tous deux mais croit qu’ils n’en font qu’un, ni doux ni amer.
    — Nous dites-vous qu’on ne peut reconnaître ainsi le poison que l’on ingère ? Précisément à cause de cette association ?
    — Cette mixture présente un goût des plus désagréables même fortement diluée dans de l’eau. Il pourrait être dissimulé sous celui du miel et des épices. Mais je pense que le créateur de ce mélange désirait surtout que sa victime ne sache pas au vrai quels poisons elle avait absorbés, car il existe des contraires – des antidotes – que certains individus méfiants conservent par-devers eux. De plus, l’empoisonneur ne voulait pas que sa victime comprenne ce qui se passait avant qu’il fût loin de là.
    — Et quel était le créateur de cette substance diabolique ? demanda Berenguer. L’a-t-il dit ?
    — Sans aucun doute, Votre Excellence, c’était Joan Cristià en personne. C’est pourquoi il rageait tant.
    — L’homme que j’ai abrité à Cruilles et à qui j’ai donné une sépulture chrétienne ?

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