Le Huitième Péché
d’aloès et l’écorce de cannelle sont des gommes-résines, c’est-à-dire de la sève sous forme déshydratée que l’on utilise dans la fabrication de l’encens.
— De l’encens ?
L’étonnement se lisait sur le visage de Caterina.
— Mais ce n’est pas tout, poursuivit Mesomedes, la résine de benjoin et le baume d’aloès sont extrêmement rares et, par conséquent, très chers. Le benjoin de Siam et le benjoin de Sumatra contiennent de l’acide benzoïque et de l’acide cinnamique, mais également de la vanilline en petite quantité. Ils sont utilisés dans la fabrication de parfums de luxe. Le baume d’aloès est encore plus recherché. On emploie essentiellement cette résine dans la fabrication des parfums orientaux. Les deux essences sont donc bien trop précieuses pour être brûlées. À l’échelle mondiale, il existe cependant un producteur, un seul, qui fabrique de l’encens composé à partir de ce mélange. Un gramme de cet encens coûterait, dit-on, cinq cents euros. Ce producteur se trouve en Lombardie, et il n’a qu’un seul et unique client : le Vatican.
Caterina prit une profonde inspiration. Des milliers d’idées se bousculaient dans sa tête. Spontanément, elle eut envie de plonger la main dans son sac.
Mais la jeune femme retrouva son sang-froid en quelques secondes et eut tôt fait de maîtriser ses émotions.
— Je peux ajouter quelque chose à ce sujet, remarqua-t-elle avec un calme feint. Toutefois…
— Vous ne le regretterez pas, signora , dit Mesomedes qui devança l’hésitation de Caterina. Si je vous ai bien comprise, la levée du mandat d’arrêt à l’encontre de Malberg vous tient à cœur.
— Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
— Vous savez, dans mon métier, on est extrêmement attentif. Je serais un piètre magistrat si je n’étais pas capable de tirer des conclusions de la plus petite allusion.
Caterina se tortillait sur sa chaise et, naturellement, Mesomedes ne perdait pas une miette de son agitation.
— Je ne veux rien vous promettre, continua-t-il, mais si l’affaire évolue bien, je vous assure que j’interviendrai pour que le mandat d’arrêt à l’encontre de Malberg soit levé.
— Je vous prends au mot, répliqua Caterina en transperçant le procureur des yeux.
Elle hésita encore un instant : devait-elle mettre son projet à exécution ? Puis elle se décida soudain et tira une enveloppe de son sac à main. Elle la tendit à Mesomedes.
Celui-ci l’interrogea du regard.
Caterina garda le silence et se contenta de faire un signe, lui indiquant qu’il pouvait ouvrir l’enveloppe. Le procureur s’exécuta.
Il tira de l’enveloppe quatre photos au format 13 x 18 et la copie d’un article. Un peu perplexe, il étala les documents devant lui.
La coupure de journal se rapportait à l’accident du cardinal secrétaire d’État Philippo Gonzaga. Elle était illustrée par une photo du cardinal.
— Et ces clichés-là ? De quoi s’agit-il ? demanda Mesomedes en secouant la tête.
— Ce sont des photos que j’ai prises pendant l’enterrement de Marlène Ammer. Vous reconnaîtrez peut-être le chauve en costume noir. En temps normal, il est vêtu de pourpre.
— Gonzaga ! s’écria le procureur, stupéfait.
— Et ici, et là, et là.
Caterina pointait du doigt sur les autres clichés le cardinal secrétaire d’État Philippo Gonzaga. Mesomedes passait les photos au crible.
— Vous avez raison, signora . Êtes-vous sûre que ces photos ont été faites à l’occasion de l’enterrement de Marlène Ammer ?
— Sûre et certaine.
— Bizarrement, on ne retrouve dans les dossiers aucune trace de l’enterrement.
— Cela m’aurait étonnée.
— Mais comment avez-vous su…
— En tant que journaliste, on a des sources d’informations dont même un procureur n’oserait rêver. Et, de votre côté, vous n’ignorez pas que vous ne pouvez m’obliger, eu égard à la loi relative à la presse, à vous donner le nom de mes informateurs.
— Je le sais, signora . Et je sais que vous le savez.
Caterina eut un sourire satisfait.
— Mais, s’il vous faut une preuve supplémentaire, je peux vous raconter ce qui s’est passé ensuite : je venais juste de prendre ces photos lorsqu’un homme s’est approché de moi. Il m’a ordonné de lui remettre la carte mémoire de mon appareil. Il était si menaçant que j’ai été contrainte de m’exécuter. J’ai ouvert mon
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