Le Japon
l’émission de certificats, dits « lettres au sceau vermillon », qui autorisaient leurs possesseurs à faire du négoce entre l’archipel et les autres pays. Le shogun, en fixant les règles du commerce des peuples étrangers avec le Japon, reprenait à son compte l’arsenal symbolique de la puissance impériale chinoise : par cette inversion des rôles, il s’affirmait comme un souverain accordant aux autres nations la grâce de commercer avec son pays, tout en garantissant par sa puissance et son autorité la sécurité des échanges.
Cela n’empêcha pas le commerce international d’être, sous le gouvernement des deux premiers shoguns de la période d’Edo, extrêmement florissant. Il soutint un mouvement d’expansion dans le Sud-Est asiatique de commerçants et mercenaires originaires de l’archipel qui implantèrent des « quartiers japonais » (nihonmachi) à Manille, Batavia, Ayutaya (Siam) ou Hoi-An (Vietnam).
À la même époque, cependant, certains facteurs vinrent restreindre le cadre des échanges du Japon avec le reste du monde. D’abord, la volonté des Tokugawa de renforcer leur mainmise sur l’archipel entraîna, entre autres, l’interdiction signifiée en 1609 aux autres maisons guerrières de construire des navires de gros tonnage, une décision qui les écartait du grand commerce international.
Par ailleurs, la persécution des chrétiens, amorcée dans les dernières années d’Ieyasu, si elle n’amena pasimmédiatement une rupture avec les marchands des nations catholiques ou protestantes, limita sévèrement leur accès au territoire japonais et les assigna à résidence dans deux comptoirs : Hirado, où les Hollandais demeurèrent seuls après le départ des Anglais en 1623, et Nagasaki, qui abritait les Portugais.
C’est sous le troisième shogun, Iemitsu, que la volonté d’éviter toute infiltration de chrétiens ou d’idées subversives conduisit dans les années 1630 à l’adoption d’une série de mesures désignées plus tard par l’historiographie comme la « fermeture du pays » : dès 1633, les Japonais résidant outre-mer, parmi lesquels de nombreux convertis, furent interdits de séjour dans l’archipel ; et il fut strictement défendu en 1635 aux marins nippons de s’aventurer hors des eaux de leur pays.
Ce fut en fin de compte le grand soulèvement paysan de Shimabara en 1637, où les chrétiens japonais jouèrent les premiers rôles, qui incita Iemitsu à rompre définitivement toute relation avec les marchands issus des nations catholiques, pour éradiquer définitivement une religion perçue comme une menace pour son régime. Alors qu’on expulsait les métis d’Européens, les Portugais furent chassés en 1639 ; deux ans plus tard on fermait le comptoir de Hirado et on déplaça les Hollandais à Nagasaki dans un îlot artificiel et exigu : Dejima. Les Chinois eux aussi ne furent plus autorisés qu’à se rendre dans ce port. Lorsqu’en 1640 les Portugais demandèrent une réouverture des relations commerciales, pour toute réponse l’équipage européen du navire fut exécuté. Les Anglais essuyèrent à leur tour un refus en 1673, sans autre dommage.
Les turbulences que traversait l’Asie orientale dans les années 1630-1640 jouèrent aussi sans doute un rôle important dans le repli de la politique extérieure du shogunat au cours de la seconde moitié du XVII e siècle. La montée de la puissance mandchoue au nord de la Chine apparaissait comme une menace : après la capitulation de la Corée en 1637, puis la dislocation de l’empire des Ming, la chute de Pékin en 1644 et l’installation de la nouvelle dynastie sous le nom de Qing, on craignait de voir l’archipel envahi à son tour. La mise en état de défense du pays contre les Occidentaux fut d’ailleurs un des instruments dont Iemitsu usa pour parfaire la mainmise du shogunat sur les daimyos de l’archipel.
La propagande des Tokugawa, en s’inspirant des modèles chinois, construisit un édifice idéologique chargé de glorifier le régime : tout devait faire croire que le Japon était devenu le centre de la civilisation, en lieu et place d’un Empire chinois tombé aux mains des « barbares ». Les nations autorisées à maintenir des liens diplomatiques ou commerciaux avec l’archipel étaient plus ou moins présentées comme des pays tributaires, même si la Corée, par exemple, ne s’est jamais reconnue vassale du Japon.
Après le gouvernement
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