Le Japon
favorablement à la demande d’assistance coréenne et à dépêcher des troupes dans la péninsule pour mater la rébellion.
Sans le savoir, elle offre ainsi au Japon l’occasion de déclencher la guerre à laquelle le pays se prépare déjà depuis plusieurs années : moins d’une semaine plus tard, les premières troupes nippones débarquent à Inch’on, officiellement pour protéger les citoyens et les biens japonais.
Pourquoi une telle volonté d’affrontement de la part de Tokyo ? Plusieurs facteurs entrent ici en jeu. D’abord, évidemment, le désir de mettre un terme à la mainmise chinoise en Corée, et d’ancrer la péninsule dans la sphère d’influence japonaise. Ensuite, le souhait, en établissant avec les grandes puissances des relations plus égalitaires, de se placer à l’abri des ambitions coloniales de l’Occident.
Enfin, interviennent des considérations de politique intérieure, les prochaines élections à la Diète doivent se tenir le 1 er septembre 1894 et le gouvernement espère faire obstacle au retour d’une majorité d’opposants partisans d’une ligne diplomatique dure.
Une fois la mécanique enclenchée, rien ne pourra plus l’arrêter. Ni l’accord précipité auquel parviennent, dépassés par la tournure prise par les événements, le gouvernement coréen et les rebelles. Ni, non plus, la proposition chinoise de retrait mutuel, que Tokyo s’empresse de neutraliser par une contre-proposition irréaliste de commission conjointe pour réformer laCorée. Ni, enfin, les avertissements américains, russes ou britanniques.
La guerre sera officiellement déclarée le 1 er août, mais les hostilités contre les Chinois sont déclenchées dès le 25 juillet, et, le 23, un gouvernement projaponais a été mis en place, par la force, à Séoul. Les Japonais remportent une série de victoires écrasantes : bataille de P’yongyang (16 septembre), bataille navale du Yalu (17 septembre), chute de Port Arthur (21 novembre), destruction de la flotte chinoise à Weihaiwei (12 février 1895).
Deux conflits aux enjeux différents opposent désormais le Japon et la Chine. Le premier – pour le contrôle de la péninsule coréenne – se conclut par un succès japonais : un gouvernement réformiste est mis en place à Séoul, ainsi qu’un contrôle militaire, tandis qu’est réprimée la rébellion du tonghak qui, à partir d’octobre, s’était transformée en résistance armée à l’occupation nippone. Le second conflit se déroule, lui, sur le territoire chinois. Là, il s’agit pour les Japonais, en défaisant les Chinois et en occupant une partie de leur territoire, de se mesurer en fait aux Occidentaux et de s’affirmer comme une puissance de rang égal au leur. Une puissance capable de victoires militaires, de conquêtes territoriales, bref, une puissance capable de s’insérer sur un pied d’égalité dans la diplomatie de l’impérialisme en vigueur à l’époque.
L’affaire, cependant, se terminera par une immense déception pour le Japon. Le 20 mars 1895, celui-ci consent aux pressantes demandes chinoises de négociations, et entame des pourparlers à Shimonoseki.
Le 24 mars, Li Hongzhang, le délégué chinois, vétéran depuis les années 1870 de tous les contacts sino-japonais, est grièvement blessé par un opposant à lapaix. Les réactions indignées de l’opinion occidentale à cet attentat obligent dès lors Tokyo à modérer ses demandes. Le traité de Shimonoseki, conclu le 17 avril, prévoit l’indépendance de la Corée ; la cession au Japon de la péninsule du Liaodong, de Taiwan et des Pescadores ; le versement par Pékin d’indemnités ; la promesse, enfin, de conclusion d’un nouvel accord commercial, sur le modèle de ceux qui étaient déjà en vigueur entre la Chine et les puissances occidentales.
Pourtant, dès le 23 avril, le Japon doit faire face à une triple intervention : la Russie, la France et l’Allemagne exigent de concert qu’il renonce au Liaodong – la première parce qu’elle redoute l’avancée japonaise en Mandchourie ; la deuxième tout autant par crainte irrationnelle d’une alliance asiatique dirigée contre l’Occident que pour assurer la sécurité de l’Indochine ; la troisième, enfin, parce qu’elle espère ainsi s’attirer les bonnes grâces de Pékin. Et, le 4 mai, Tokyo, après d’inutiles appels à l’aide vers Londres et Washington, abandonne ses prétentions sur
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