Le Japon
la péninsule stratégique.
C’est la fin de la guerre et le début des désillusions. Malgré les victoires militaires et le peu de pertes en vies humaines (2 700 morts, dont seulement un millier tombés au combat, le reste ayant été surtout victime de maladies), le Japon ressent plus que jamais sa faiblesse. Humilié par l’Occident, contraint d’imposer dans le sang sa domination sur Taiwan (5 000 Japonais seront tués et 17 000 blessés lors de la campagne de pacification de l’île), bientôt obligé de faire face à une présence russe croissante en Corée, le pays médite déjà sa revanche.
Celle-ci sera assurée dix ans plus tard, lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905. Une guerre que les historiens considèrent généralement comme untournant dans la formation de l’impérialisme japonais, sa victoire sur la Russie permettant à l’empire du Soleil-Levant d’affirmer définitivement sa position en Corée et, plus généralement, sur la scène est-asiatique. La péninsule est alors placée sous protectorat nippon, avant d’être annexée en 1910. Cette annexion ne prendra fin qu’avec la défaite de 1945.
Malgré l’importance de ce conflit russo-japonais, c’est dès la guerre contre la Chine de 1894-1895 que se met en place le cadre dans lequel va évoluer la politique du pays durant le demi-siècle à venir : accélération de l’industrialisation et de la militarisation, poids croissant de l’élément militaire dans la prise de décision politique, divinisation et marginalisation de l’empereur, expansionnisme territorial. C’est à partir de ce moment également que se modifie l’image du Japon en Occident. Plus d’exotiques lotus et de samouraïs, mais un pays menaçant, incarnation du « péril jaune ».
1905, la première victoire sur les Blancs
Le 6 février 1904 à l’aube, une flotte de 55 vaisseaux de guerre japonais quittait la base de Sasebo, sur l’île de Kyushu. Objectif : Port-Arthur, à la pointe de la péninsule du Liaodong, où était stationnée la flotte russe du Pacifique.
En chemin, une partie de l’armada devait mettre le cap sur le port coréen de Chemulpo, situé à proximité de la capitale, Séoul. Dans la nuit du 8 au 9 février, Chemulpo et Port-Arthur étaient la cible de premières attaques japonaises. Le 10, le Japon et la Russie entraient officiellement en guerre.
Ce conflit était l’aboutissement d’une profonde rivalité entre les deux pays. Dès la fin du XVIII e siècle, des navires russes avaient fait leur apparition le long des côtes septentrionales du Japon, cherchant à établir des relations commerciales. Pays partiellement clos, le Japon opposa un ferme refus aux demandes des envoyés du tsar. Et l’empire russe, dont le territoire avoisinait l’archipel japonais, fut dès lors perçu comme une menace potentielle.
À partir de 1868, l’ère Meiji marqua l’ouverture d’un Japon qui deviendra puissance impériale, et qui visera à exclure toute puissance étrangère de la Corée voisine, définie comme « première ligne de défense de l’archipel ». La guerre de 1894-1895 permit certes au Japond’évincer la Chine de la péninsule coréenne. Mais il dut bientôt y affronter un adversaire bien plus redoutable : la Russie.
L’empire tsariste avait en effet, dès le lendemain de la guerre sino-japonaise, considérablement renforcé son influence en Corée, où un gouvernement prorusse avait été établi. Les Japonais avaient tenté d’enrayer cette avancée russe en assassinant la reine Min, qui dominait alors la cour coréenne. En vain : affolé par la tournure des événements, l’époux de Min, le roi Kojong, s’était réfugié en 1896 au sein de la légation russe, où il séjourna une année entière.
Tokyo et Saint-Pétersbourg parvinrent à un accord sur la Corée en 1898. Les deux pays s’engageaient à ne pas intervenir dans les affaires intérieures coréennes, et la Russie à respecter les intérêts commerciaux japonais dans la péninsule.
Ce repli russe était motivé par les succès du tsar en Mandchourie. La Russie venait en effet d’obtenir de la Chine le droit de construire une ligne de chemin de fer à travers la péninsule du Liaodong, ainsi que la concession des villes de Dalian et de Port-Arthur, qui deviendra une formidable base militaire. Port-Arthur, dont les eaux ne gèlent pas en hiver, offrait à la Russie un accès permanent sur l’océan Pacifique. La
Weitere Kostenlose Bücher