Le Japon
spécialisés se constituèrent pour arriver en 701 à un système complet : les Codes de l’ère Taihô dont de nombreux articles sont directement inspirés des codes des dynasties des Sui ou des Tang. Pourtant l’architecture de l’État est différente des modèles chinois. En particulier, le ministère des dieux (en charge des rites offerts aux dieux) a une prééminence qu’on ne retrouve pas en Chine. Les compilateurs ont tenu compte des réalités locales et des institutions qui s’étaient mises peu à peu en place. Les règles de deuil sont par exemple très simplifiées par rapport aux rites chinois.
Ce code servit de cadre à l’État japonais jusqu’au XII e siècle, qui correspond aussi à l’entrée dans le Moyen Âge. Au moment de Meiji (1868-1912), c’est ce modèle administratif que le nouveau régime voudra restaurer. Les premiers décrets de Meiji seront promulgués par le ministère des Affaires suprêmes, l’organe central du régime des codes de l’Antiquité.
Ce beau cadre ne doit toutefois pas faire illusion ; il représentait une sorte d’idéal administratif. De plus, au fil du temps, il fut de moins en moins en prise sur la réalité. Ainsi, le contrôle direct de la Cour sur les rizières perdit rapidement de son efficacité du fait de la délégation du contrôle aux notables provinciaux, puis de la multiplication des domaines, shôen , attribués aux grandes institutions religieuses et à la haute aristocratie.
L’année 701 n’en marque pas moins le début de l’État antique et la première année d’une nouvelle ère : Taihô. Le Japon adopta alors définitivement le mode chinois de découpage du temps – encore en usage aujourd’hui (ère Heisei). C’est le souverain qui décide des changements d’ère à l’instar de l’empereur chinois. Peu de temps auparavant, en 694, avait été construite la première capitale digne de ce nom, centre de l’administration de l’État et résidence du souverain : Fujiwara. L’urbanisme était calqué sur la Chine : plan carré, avenues se coupant à angle droit et délimitant des quartiers réguliers. Ce découpage géométrique fut aussi imposé aux rizières. En 710, la capitale fut déplacée un peu plus au nord, à Nara. Enfin en 794 fut inaugurée Heian (Kyôto) qui restera la résidence du souverain jusqu’en 1868, toujours construite sur le même plan géométrique chinois. En revanche, ces capitales ne furent jamais entourées de remparts contrairement aux villes chinoises. Par ailleurs, leur superficie, bien moindre au Japon, n’était même pas entièrement occupée.
L’espace urbain était orienté par le palais qui était lui aussi construit selon les critères de l’architecture chinoise : les bâtiments étaient édifiés sur des terrasses de terre battue ; les piliers reposaient sur des assises de pierre ; les toits étaient couverts de tuiles de terre cuite ; les murs de pisé étaient enduits de blanc, les poteaux et poutres étaient peints en rouge, les ouvertures en vert. Mais, malgré l’existence de ce palais, le centre du pouvoir fut loin d’être vraiment fixe. À l’époque de Heian, les très nombreux incendies rendirent les empereurs nomades. Ils habitaient dans les résidences des grands aristocrates en attendant les reconstructions. Finalement, le palais ne fut plus bâti à son emplacement originel mais à l’est.
À en croire les plus anciennes sources, Kojiki (712) et Nihonshoki (720), les souverains du Japon archaïque changeaient de capitale à chaque règne. Ils portaient le titre d’ôkimi, grand seigneur. À l’époque classique, on se servait de plusieurs appellations, mikado (Auguste porte), kôtei (empereur), tenshi (fils du Ciel). Mais le nom officiel était le terme sino-japonais de tennô (chinois tianhuang), le « souverain céleste ».
Ce titre fut brièvement utilisé en Chine pour désigner le souverain, considéré comme le représentant sur Terre de l’étoile polaire qui gouverne les cieux. Son adoption au Japon est l’aboutissement d’un long processus qui visait à donner au souverain japonais un statut équivalent à celui de l’empereur de Chine. La première étape en fut une lettre envoyée au début du VII e siècle à la cour des Sui. Elle commençait par : « Du souverain, tianzi [fils du Ciel], du pays du soleil levant au souverain, tianzi , du pays du soleil couchant. » Cette missive fit scandale en Chine non pas tant
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