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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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friches…
    La nuit tombait sur eux noire comme une boue, cinglée de vent, de pluie. Transis de froid, de faim, d’incertitude, tous sentaient des frayeurs comprimer leurs entrailles.
    — Sais-tu où nous allons, Jack ?
    — Coventry… Autant te dire que nous prendrons notre temps… car nous irons de nuit et nous reposerons le jour. Les bosquets et les forêts ne manquent pas.
    L’averse, en le noyant, argentait le chemin suffisamment large pour que deux roncins pussent y avancer de front. Ogier, la cage de Tom contre son genou senestre, chevauchait auprès de Shirton ; derrière lui venait son oncle, et derrière encore Étienne de Barbeyrac auquel revenait le soin de scruter les ténèbres et d’y déceler des lueurs ou des bruits de galopade.
    Des montagnettes se détachaient assez nettement sur le fond du ciel, devant eux. C’était là, semblait-il, qu’ils trouveraient un premier asile.
    — Dès que nous le pourrons, j’ouvrirai le bissac, dit Shirton tout en tapotant l’un des renflements du récipient de cuir. La male-faim me tourmente.
    L’idée de manger lui procurait une espèce de griserie. Ogier l’envia de penser simplement à sa faim. Pour lui, c’était l’inverse : l’angoisse le dévorait ; son sang fourmillait de petites froidures et sa peau n’était que chair de poule. Il aperçut une sorte de grange :
    — Allons là et mangeons… mangeons tout. Prenons des forces. Qui sait si bientôt nous n’en aurons pas besoin !
    — Bonne idée, dit Guillaume.
    Sous un toit de chaume dont le treillis gouttait de toutes parts, ils se rassasièrent de tranches de bacon, cuisses de poulet, pâtés et pain coupé d’avance tout en vidant deux bouteilles clissées contenant un vin âpre dont ils ignoraient la couleur. Tom eut sa part et parut s’endormir. Ogier couvrit sa cage avec une des serviettes qui avaient enveloppé les mets.
    — Je regrâcie ma cousine, dit-il, le regard dirigé sur Guillaume. Elle nous a fourni avec cette bombance, un couteau pour chacun. Cependant, Jack, et malgré la pluie qui trempe les cordes, ne crois-tu pas qu’il faut armer nos arcs ?
    — Pour tirer dans le noir ?… Non, si l’on nous assaille, il nous faudra guerpir comme des malandrins… Tiens, vois cette pelle sur laquelle j’ai trébuché quand nous sommes entrés. Enlevons la ferraille et fixons-y un couteau.
    — Avec quoi veux-tu l’assujettir ? Tu as jugé la corde de Gri… de la petite inutile…
    — Prenez ceci, dit Barbeyrac. Une médaille de Compostelle était suspendue à mon cou. Un Goddon, pour me la rober, a rompu cette aiguillette. Je l’ai conservée dans l’attente qu’elle me serve un jour… C’est fait.
    Shirton fendit le bois de l’outil dans le sens de la longueur, puis il fit éclater la poignée de son couteau à grands coups de pierre. Il ne restait plus qu’à insérer le talon plat dans l’entaille, et à enrouler solidement le cordonnet de cuir autour du manche.
    — On dirait, dit Ogier, un plançon de rustique.
    — Une archegaie [220] , plutôt, dit Shirton content de lui.
    — Un plançon, un épieu, voire une houète ou un alénas, dit Guillaume. N’y a-t-il pas céans une fourche ?
    Barbeyrac qui tâtonnait, invisible, en rapporta une.
    — Elle est édentée !… Trois piques au lieu de cinq.
    Il étendit l’outil sur le sol et pesa de ses pieds sur le bombé des fourchons.
    — Les voilà redressés !
    — J’ai idée, dit Guillaume, que nous pouvons avoir une troisième arme pour le combat de près.
    — Comment, mon oncle ?
    — Eh bien, mon neveu, c’est simple : emplissons de pierres et de terre mêlées une des poches vides du bissac. Sans la séparer de sa voisine, lacérons l’autre en fortes lanières et tressons-les… Ce sera comme une plommée de rustique… En la moulinant avec vigueur et sûreté, on pourra briser des têtes !… Tu sembles la vouloir, Étienne ?… Prends-la donc !
    Ogier fut le seul à ne point s’ébaudir :
    — Si nous sommes assaillis et si nous meurtrissons des Goddons, c’en sera fait de nous : nous serons jugés et châtiés.
    Il vit trois paires d’yeux converger sur sa personne. Se croyant déprécié, il rassura ses compères :
    — Il va de soi que je me battrai. Allons, les amis, transformons une des outres de ce bissac en massue !
     
    *
     
    Ils avaient cheminé environ deux cents toises quand Shirton, qui chevauchait à l’avant, s’arrêta :
    — Eh bien ?

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