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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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demanda Guillaume.
    — Je viens de voir une lueur tout près du sol.
    — Une flaque d’eau peut-être, dit Barbeyrac.
    — Ou un vouge, messire, une guisarme au fer baissé.
    L’archer hésitait à talonner Bucéphale. Debout sur les étriers, il huma le vent nocturne. Toute la campagne s’échevelait et palpitait sous son souffle.
    — Je vous engage à préparer vos armes…
    Cette recommandation s’accompagna aussitôt de bruits et frôlements, et Tom dont Shirton portait maintenant la cage attachée à l’arcon de sa selle, battit des ailes. Ogier entendit ses ongles griffer le plancher de sa geôle.
    — Si par affreux malheur nous sommes assaillis, dit-il, c’est la mort assurée s’ils nous prennent. Aucun de nous ne la craint… Avançons. Fuir le danger, c’est hâter la défaite… Enlevons nos pieds des étriers car se battre à cheval serait une folie.
    Il guida son Noiraud devant Bucéphale. Au passage, Shirton lui lança un regard qui, peut-être, exprimait de la peur. S’il était pris, sa félonie serait terriblement châtiée. Aider des Franklins en fuite ! Le crime était impardonnable.
    Le chemin s’inclinait entre deux talus en friche quand la horde se rua sur eux de toutes parts.
    —  It’s an ambush [221]  !
    Dans le danger Shirton retrouvait son langage.
    —  Take shelter, everybody [222]  !
    —  Pied à terre ! hurla Guillaume.
    Et tout à coup rageur :
    —  Elle nous a trahis !
    Ogier ne put contester cette affirmation.
    — Montjoie Saint-Denis !
    Son cri s’enfonça dans les hurlements et les huées.
    Affolés, les chevaux tournèrent sur eux-mêmes. Bucéphale rua, se cabra et parvint à s’ouvrir un passage après qu’il eut perdu la cage de Tom. Ogier vit la petite échauguette d’osier rouler, recevoir un coup de pied ferré et disparaître dans l’ombre. Il s’aperçut que Shirton s’était séparé de lui et hurlait quelque part au-dessus de la mêlée :
    —  Do withdraw !… Repliez-vous !
    Barbeyrac maniait sa pesante besace, semblable à une grosse courge. Il toupinait avec une telle violence que les hommes groupés autour de lui semblaient reculer au simple effet de son vrombissement. Guillaume ? Il venait d’enfouir sa fourche dans un ventre. L’Anglais empointé à mort gargouilla une imprécation et s’affaissa.
    « Non, elle ne nous a pas trahis ! C’est impossible… Jamais elle n’a été si loyale envers quiconque et surtout envers Guillaume ! »
    Se refusant à condamner Tancrède, Ogier pointait, dégageait, balançait son couteau de brèche rustique en rageant que cette arme fut moins longue que les guisarmes et les vouges dont il s’acharnait à écarter les hampes plutôt que de percer et tailler leurs porteurs. Par chance, on y voyait à peine. Les gouttes qui ruisselaient des chapels de fer mouillaient les yeux, rendant ainsi les coups aléatoires. Les luisances mortelles se confondaient. Il advenait que deux aciers, jaillis en même temps, parussent éclater ou que des crochets de guisarmes se prissent un instant l’un dans l’autre.
    « Misérables Goddons !… Ils ne comprennent pas qu’ils se gênent !… Tant mieux pour moi ! »
    Il était circonvenu d’une telle fureur unanime qu’il doutait de survivre longtemps. Toute cette masse compacte d’hommes et de fer reculait pourtant sous ses coups et ceux de ses compagnons. Alors qu’un homme apparaissait, brandissant une hache, il entendit un frissement et le vit tomber, une flèche fichée dans sa pansière. Shirton était donc là, fidèle et diligent.
    « Mieux vaux mourir ainsi qu’au bout d’une corde ! »
    Ce n’était qu’une crépitation de fers aheurtés, un tumulte de cris secs et rauques traversés de plaintes et de jurons. Parfois, une sagette sifflait pour se ficher dans un bras, une épaule : Shirton ménageait les hommes de sa race.
    « Où est Barbeyrac ? »
    Tout proche, il se battait en hurlant son enseigne : « Alix ! Alix ! » – le nom peut-être de son épouse – et son outre de cuir mugissait tandis qu’emporté par son poids, il tourniquait toujours. Un homme fut touché, l’arme se rompit et répandit son lest. Il y eut un ricanement suivi de cris de joie.
    La voix de Guillaume domina cette hilarité féroce :
    — Ils me tiennent !
    Un homme harangua de loin ses compères. Sans doute disait-il : « Sus au dernier ! » Alors, un commandement éclata :
    — Le roi les veut vivants !
    Ogier

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