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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sentit ses bras s’alourdir. Il avait brisé, dispersé maints épieux ; d’autres le harcelaient, infatigablement. Ses coups désordonnés cessaient d’être efficaces. Plutôt que d’avoir peur, ses assaillants riaient.
    — Messire, rendez-vous !
    Il fallut accomplir les mouvements ignobles : jeter l’arme et lever les bras ; marcher vers le vainqueur de cette brève embûche ; oublier les jurons, les crachats de ses gens ; rejoindre Guillaume et Barbeyrac maculés d’un sang qui peut-être était leur.
    — Messire, vous m’avez occis trois hommes et navré quatre autres…
    — Messire, mon honneur est sauf. Ma devise est : Ut in praelio leo, ce qui signifie : comme un lion au combat… et j’en porte deux sur mes armes. Je griffe et je rugis sitôt que l’on m’assaille… Mais, si j’en ai loisir, je prierai pour vos morts.
    Ogier souriait, toute haine abolie, à ce capitaine trapu, vêtu en bourgeois à l’inverse des autres, et qui remuait devant son visage ses mains épaisses et blafardes sans oser le frapper. L’homme avait des yeux blanchâtres, des cheveux drus, bruns et longs, transformés en pendeloques. Comme il était glabre et mélancolique, il ressemblait à une vieille pucelle morose qui, par mégarde ou méchant sacrilège, eût pris un bénitier pour évier. Tout aussi barbouillé de pluie que ce Goddon, il fallait qu’il feignît d’être à l’aise. C’était ainsi qu’il obtiendrait son respect.
    On avait juché les blessés et les morts en travers des chevaux dont le nombre s’était augmenté de trois seulement, puisque Bucéphale avait disparu. Les vainqueurs se disposèrent sur deux rangs. Lorsque ce fut fait, le capitaine s’approcha des prisonniers :
    — Je vous laisse les bras et les mains libres. Marchez l’un après l’autre en silence entre nous.
    — Les mains libres ! s’exclama Barbeyrac. À la queue leu leu. Ils ne vont pas nous accouer [223] tout de même…
    Un coup de plat d’épée l’atteignit à l’épaule. Il eût pu broncher, il se retint et, d’une chiquenaude, feignit de rejeter la souffrance importune.
    — Je me place en avant, dit Guillaume.
    — Souffrez-vous ? Êtes-vous durement navré ?
    Ogier s’était abstenu d’employer le « mon oncle ».
    Il importait qu’on ne sût pas leur parenté.
    — Mon bras est entaillé, ma hanche me fait mal…
    Puis, tourné vers le capitaine qui s’avançait, dague au poing, menaçant :
    — Qui nous a vendus, messire ? Une femme, pas vrai ?
    — Même si je le savais, je ne vous dirais rien… Vous me semblez bien emparlé [224] … Je vous conseille le silence ou la prière… muette !
    Et brusquement, l’Anglais triompha :
    — Que vous soyez allés au sud, au nord, au Ponant, au Levant, nous vous aurions appréhendés au corps. Le roi qui a mis deux cents hommes à votre pourchas voulait surtout qu’on s’empare d’un certain Ogier d’Argouges.
    Ogier s’apprêtait à marcher, il fit front :
    — C’est moi… Quel honneur, messire, d’avoir l’attention du roi !… Il est vrai que nous nous connaissons.
    Cette affectation de gaieté ne trompa point l’Anglais, mais s’il pensait à un désespoir secret, inguérissable, il était dans l’erreur. Il rengaina son arme et, de son avant-bras, épongea son front ruisselant.
    — Il reste cet archer : Shirton… Ce traître ! Nous l’avons espéré au concours d’archerie ; il n’y est pas venu… Mais patience : nous le retrouverons… Avancez !… Pourquoi courbez-vous la tête ?
    Comme ils passaient sur les lieux de l’attaque, Ogier aperçut la cage de Tom. La porte avait dû s’ouvrir pendant la chute et la roulade au bord du chemin. Le balbuzard n’y était plus.
    — Où nous conduisez-vous ? demanda Barbeyrac.
    — Au roi, messire. Il vous attend au château d’Ashby… Allons, avancez promptement. J’ai des hommes à soigner…
    C’était vrai : des gémissements s’exhalaient à l’arrière.
    —  Avancez, avancez, grommela Guillaume. C’est vous, pour votre prouesse, qui allez avoir de l’avancement !
    — Quelle prouesse ? s’étonna Ogier. À quinze ou vingt contre trois hommes armés comme des hurons, je ne vois là aucun mérite.
    Nul n’osa le frapper. Quelque détestable qu’elle fut, l’ombre d’Édouard IIIle protégeait.
     
    *
     
    Ils gravirent la spirale d’un escalier à la suite du capitaine et de deux de ses hommes. Ils furent introduits dans

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